Aux origines du monde et de l’Univers
De tout temps, les Hommes ont cherché à expliquer, à se représenter l’origine du monde, le moment où la Création se met en place et donne naissance aux Hommes, aux animaux, aux plantes, à toute chose vivante, à l’eau, la terre, etc. Les anciens Egyptiens ne font pas exceptions même si pour nous, héritiers des cultures grecque et romaine, la mythologie égyptienne nous apparaît étrangère, sans réels points communs. Remontons jusqu’au « big bang » originel…
Par François Tonic (historien, rédacteur en chef pharaon magazine)
Les mythes de la création sont appelés cosmogonies. En Egypte, il n’existe pas une mais plusieurs mythes, les principales étant celles d’Héliopolis, de Memphis, d’Hermopolis. Chacune d’entre elle ne contredit pas l’autre, mieux, elles se complètent même si elles possèdent leurs propres récits. Chacune de ces cosmologies met en scène un dieu principal, ou démiurge, dieu de la ville concernée. Le démiurge est le Créateur (du monde), la divinité responsable de la création de l’univers. Démiurge vient du grec démiourgos, signifiant artisan, fabricant. En Egypte, chaque cosmogonie (signifiant « engendrer le monde ») égyptienne a son propre démiurge.
Avant le « big bang » de la Création, il y avait quelque chose…
Bien avant que le Créateur engendre le monde, existait un « monde » inerte, sans vie, sans mort, sans jour ni nuit, sans aucune espèce animale ou florale. C’était une grande étendu d’eau, l’Océan Primordial, le Noun. L’obscurité dominait, et rien n’existait réellement. Mais le Noun n’était pas seul, le Créateur (démiurge) existait déjà. Mais il demeurait inerte, sans conscience… Le Noun possède donc tous les éléments nécessaires à la vie, au monde nouveau. Encore faut-il tous ces éléments s’organisent et s’éveillent.
Soudainement, le démiurge prend conscience de son existence, puis s’éveille. A ce moment, la vie débute son long périple avec l’apparition du dieu de l’air, Chou, dans le « corps » du démiurge qui se met à parler. Mais la Création n’a toujours pas réellement commencé. Le Noun apparaît à la fois comme le Chaos (un non monde qui sera considéré comme dangereux par les Egyptiens qu’il faut garder à l’écart) et qui contient la vie et l’aide à naître.
Du Noun, le créateur prend forme en se modelant lui-même. C’est Atoum. De ce « premier dieu », issu de son corps, nait ces premiers enfants : Chou et Tefnout, des jumeaux[1], un garçon, une fille. Chou est le dieu de l’air et des vents. Il est le « souffle vital ». Cette naissance engendre des conséquences considérables car Chou est la Vie c’est à dire qu’il est la vie en elle-même. Et il est aussi la lumière. Tefnout est la première déesse, le premier être féminin de la Création. Elle est l’épouse de son frère Chou. Elle représente la chaleur du soleil et est une personnification de la Maât. La Maât apparaît très tôt quand le Créateur prend conscience et commence la mécanique céleste. Maât est une entité métaphysique qui régit l’ordre. Maât est l’Ordre maintenant en équilibre le Bien et la Mal, tient à l’écart le Chaos. Car pour les Egyptiens, le Bien et le Mal sont indissociables, l’un ne pouvant exister et prospérer sans l’autre.
Ainsi la machine cosmique se met en branle. La première terre va peu à peu se former et émerger de l’océan primordial. Mais encore faut-il que la lumière jaillisse dans le ciel…
Ainsi le Ciel et la Terre se séparèrent de la butte primordiale
Alors que la première terre sort du Noun, il n’y a ni ciel, ni air, ni terre. D’Atoum va sortir le soleil qui deviendra plus tard Rê, le dieu solaire. De Chou et Tefnout, deux nouveaux enfants naissent : Ged, la Terre, Nout, le Ciel. Mais Rê, le soleil, ne peut pas bouger normalement. Alors, Atoum ordonne la séparation du ciel et de la barque pour permettre la course solaire. Ainsi nait le jour et la nuit. Mais pour garantir l’équilibre et l’Ordre cosmique, Atoum ordonne à Chou de maintenir séparer la Terre (Geb) et le Ciel (Nout). L’Univers était alors créé… Et peu à peu, le Noun se fait reléguer en dehors du nouveau monde naissant.
Mais revenons un peu en arrière. L’œuf primordial apparaît à la surface du Noun[2]. De lui sort le soleil qui deviendra Rê… Il peut alors s’élever au-dessus du Noun. Mais si le soleil apparaît bel et bien, comme nous l’avons vu plus haut, il reste prisonnier d’un espace réduit et ne peut accomplir sa mission. Il faudra attendre une supplique du soleil pour que le démiurge agisse.
Alors que la terre se forme, que l’Univers existe, que la Vie se met en place, comment apparaissent l’Homme et les êtres vivants ?
« Les hommes de larmes »[3]
Le démiurge Atoum est celui qui donne vie aux êtres humains, comme il l’a donné aux premiers dieux. L’Homme n’apparaît pas sur terre tout seul. Les Textes des Sarcophages (textes funéraires du Moyen Empire, 2000-1780 av. JC) parlent à plusieurs reprise de cette création, et particulièrement ce court passage : « les hommes sont les larmes de mon œil ». Une des récits les plus fréquents de la création de l’Homme est qu’elle résulte des larmes de l’œil du démiurge. Et Chou a insufflé la vie. L’Homme au départ n’est ni bon, ni mauvais. Ce sont les dieux qui fourniront le mauvais exemple avec leurs luttes incessantes, au grand désarroi du Créateur qui ne sait que faire.
Faisons ici une différence entre les êtres incréés et les êtres créés. Les premiers existaient avant la création et se sont créés eux-mêmes alors que les êtres créés résultent de la création. Cette différence est fondamentale.
5 jours supplémentaires pour les enfants de Nout
Une des conséquences de l’apparition du soleil, du ciel est la course solaire de Rê de 360 jours et la création du jour et de la nuit. Mais comme vous le savez, une année est égale à 365 jours. Il manque donc 5 jours. Ces dernières journées font parties de la Création. En fait, Nout enceinte ne pouvait pas donner naissance durant la course normale du soleil, il fallait trouver un subterfuge. C’est alors que selon une légende, Thot joua avec la Lune et gagna, donnant naissance aux cinq jours supplémentaires, permettant à Nout d’accoucher sans être inquiétée.
En réalité, ces cinq derniers jours sont appelés « épagomènes ». Ce terme vient du grec epagomena hemera signifiant jour supplémentaire. Dans la cosmogonie égyptienne, ces jours s’identifient aux « enfants de Nout », au nombre de cinq : Isis, Orisis, Seth, Nephtys et Horus l’Ancien (à ne pas confondre avec Horus fils d’Isis et d’Osiris). Ces cinq divinités révéleront les mauvaises actions aux hommes. Ainsi, le premier jour né Osiris, le second, Horus l’Ancien, puis Seth, durant le 4e, Isis puis enfin la dernière journée, Nephtys. Ces jours sont mal vus par les Egyptiens et particulièrement le 3e, celui de Seth.
Le serpent, être incréé, à la fois cycle universelle du monde et monstre du Chaos
Nous l’avons dit plus haut, pour comprendre la cosmogonie égyptienne, il faut notamment différencier les êtres incréés et les êtres créés. L’incréé est par définition existant par lui-même ou par une émanation du démiurge, avant la création. Lorsque le Créateur prend conscience de lui-même, rappelons, que le Noun possédait les ingrédients nécessaires à son « big bang cosmique ». Mais pour accomplir sa tâche, Atoum n’est pas seul. Des serpents vont l’aider. Mais ces bêtes se révèlent dangereuses lors que le monde existe car elles appartiennent au Noun, le Chaos menaçant l’ordre cosmique. Et lorsque Rê, le soleil, quitte le ciel du jour pour rentrer dans les heures de la nuit, il doit, sur sa barque solaire, faire un périple de 12 heures avant de renaitre à l’aube. Un des ennemis du soleil est le serpent géant Apopis (ou Apophis), né au cœur du Noun. Incréé comme Atoum, Apopis ne peut être détruit. On peut seulement neutraliser par des couteaux, des formules, des flèches, lui couper la tête.
Deux récits de création du monde
En Egypte, il existe trois grands mythes de la Création : Héliopolis, Hermopolis et Memphis. Nous avons puisé dans la cosmogonie d’Héliopolis (ou cosmogonie héliopolitaine) pour raconter la genèse du monde. Abordons les deux autres.
La cosmogonie hermopolitaine
Ce récit donne le rôle du démiurge à Thot aidé par l’Ogdoade. L’Ogdoade est constitué de huit dieux et avaient pour demeure la cité d’Hermopolis, l’actuel Ashmounein en Moyenne Egypte. Elle se forme de 4 couples divins : Noun et Naunet, Hehou et Hehet, Kekou et Keket, Amon et Amonet. Dans ce mythe, Thot initie la Création avec les quatre couples représentant l’océan primordial, l’infinie spatiale, les ténèbres.
Cette cosmogonie serait la plus ancienne d’Egypte même si les documents demeurent très rares avant le Moyen Empire. Comme pour Héliopolis, avant la Création, il existait quelque chose d’inerte avec en elle tous les éléments propices à l’émergence d’un démiurge. Les Huit se forment spontanément dans ce monde inerte. Sont-ils le démiurge ? Il semble que non mais ils en sont indissociables. Le monde va naître, ou plutôt sortir, de l’œuf primordial (ou œuf cosmique), déposé à Hermopolis par un oiseau. Une autre tradition parle d’un lotus primordial sortant des eaux du Noun. De cette plante jaillit le soleil et Atoum qui engendra par la suite la Création.
La création selon le mythe de Memphis
L’histoire du mythe de Memphis est singulière et passionnante. En 1805, le British Museum accueille dans sa collection égyptienne, une pierre rectangulaire, endommagée car ayant servi dans un meule à grains d’un paysan égyptien. Elle comporte 63 colonnes de textes finement gravés. Mais à cette date, personne ne savait lire les hiéroglyphes. Or, cette pierre comporte un texte religion d’une exceptionnelle importance. Il s’agit de la théologie memphite racontant la création du monde selon la cosmogonie de Memphis, l’ancienne capitale située au sud du Caire moderne. Le monument date de la 25e dynastie et plus précisément du règne de Chabaka. Atypique, la cosmogonie memphite repose sur deux piliers : un, intellectuel / philosophique, l’autre, matériel. Le Français Claude Traunacker l’a parfaitement dans un article référence sur ce texte si particulier. Comme dans les autres mythes, le Verbe est au cœur de tout mais ici la parole matérialise ce qu’elle exprime.
(texte non terminé)
Avant que l’Homme ne prenne le pouvoir et rejette les dieux
Le mythe de création en ancienne Egypte n’est pas unique. Mais il existe des points communs. Qi les Egyptiens tentèrent d’expliquer le pourquoi de leur existence et celle du monde, aucune raison n’est réellement donnée. Pourquoi le démiurge prend conscience de son existence ? Existe-t-il un dessein préétabli ? L’autre remarque est l’importance de la parole, le Verbe qui engendre la Création. Mais l’harmonie originelle ne dure pas longtemps. Les dieux entre eux se battent, se tuent. Un exemple que les Hommes suivront et finirent par expulser les dieux en dehors de la terre…
Pour aller plus loin
D. Meeks & C. Favard-Meeks, les dieux égyptiens, Hachette, 1993
I. Franco, mythes et dieux, Pygmalion, 1996
J-P Corteggiana, l’Egypte ancienne et ses dieux, Fayard, 2007
C. Traunecker, « à propos du texte de la Théologie memphite », in Anticipation, à l’horizon du présent, Sprimont, 2004
pour compléter : pharaon magazine hors série n°3 "dieux et religion en Egypte"
[1] Ils sont souvent considérés comme jumeaux ou du moins frère et sœur.
[2] Aucun texte n’est unanime sur l’origine de cet œuf…
[3] titre d’un article scientifique de Bernard Mathieu paru dans « hommages à François Dumas », 1986
Commentaires
Très intéressant, je vais
Très intéressant, je vais pouvoir faire mon exposée de l'Egypte ancienne facilemment. Merci !
:p
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