article complet dans Toutankhamon Magazine n°46
Les visiteurs des galeries du Louvre passent souvent rapidement sur cet objet. Quelques explications et l’on passe à la salle suivante. Revenons ce mois-ci sur ce couteau qui mérite une étude attentive de par sa qualité de fabrication, mais surtout sur son décor, surprenant.
Un objet provenant sans doute d'Abydos !
Élisabeth Delange a récemment publié un petit ouvrage sur cet objet (Le poignard égyptien dit du Gebel el-Arak, Somogy, 2009). Comme bien souvent, les objets majeurs ont une provenance peu certaine. Notre couteau ne fait pas exception. Acheté au Caire en 1914 par le conservateur du musée de l’époque, le vendeur avait indiqué le site de découverte : Gebel el-Arak, au sud d’Abydos.
Problème, comme l’indique Mme Delange dans son ouvrage, Gebel el-Arak ne possède qu’une seule et unique référence : le couteau du Louvre ! Il semblerait donc que cette provenance soit pure invention. Mais lors de l’achat, le couteau était en deux parties : la lame de silex et le manche. Or, Bénédite, acheteur de l’objet, indique dans une courte note (Delange, p. 25) que le marchand cairote avait dit que la lame provenait d’Abydos, sans doute d’un des cimetières prédynastiques d’Umm el-Qaab fouillés peu d’années auparavant par Petrie. Le couteau de Gebel el-Arak serait-il en réalité un couteau d’Abydos ? Les fouilles de l’Allemand Dreyer à Umm el-Qaab ont permis de découvrir plusieurs fragments de couteaux similaires.
Une datation difficile
L’autre inconnue concerne sa datation. De quand date le couteau ? Une fourchette allant de 3300 à 3100 av. J.-C. était généralement admise jusqu’à une dizaine d’années. Les chercheurs attribuent ce couteau à la période dite Nagada 2d (une des nombreuses subdivisions de la période prédynastique que l’on découpe, simplement, en 3 périodes Nagada). Or, les dernières découvertes et l’amélioration des datations scientifiques font reculer la période Nagada 2d aux alentours de 3400-3450 av. J.-C. ! Soit à un temps où une élite commençait à se développer, à s’imposer, autour d’un chef qui allait quelques siècles plus tard donner la royauté pharaonique.
ce couteau nous renseigne sur le commerce avec la lointaine Nubie au sud, et surtout avec la Mésopotamie.
Le maître aux lions
L’envers du manche. Sur le registre du haut, la plus célèbre scène de l’objet : le maître aux lions, aussi appelé maître des animaux. Cette représentation se retrouve uniquement à cette période et disparaît avec l’émergence de la 1re dynastie vers 3150-3100 av. J.-C. Surtout, ce thème n’a rien d’égyptien car mésopotamien. Cela trouve le commerce entre la Mésopotamie, la Palestine et l’Égypte. La barbe, le costume, l’aspect de l’homme, la scène sont typiquement mésopotamiens.
Cette image est parfois vue comme une influence assyrienne. En réalité, pour cette datation, il faut chercher du côté d'Akkad, Sumer et non de l'Assyrie.
Le maître aux animaux ou maître aux lions se rencontre aussi dans la célèbre tombe HK 100 de Hierakonpolis. Cette tombe est datée approximativement de 3500-3400 av. JC, soit grosso-modo la même période que l'objet du Gebel el-Arak
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