Les égyptiens anciens ont vécu dans un milieu chaud et de plus en plus aride entre 5500 et 1500 ans avant aujourd’hui. Ils ont néanmoins privilégié tout au long de leur histoire la culture de plantes comme l’orge et le blé (dites en C3)1 malgré des échanges commerciaux réguliers avec les populations voisines cultivant des plantes comme le millet et le sorgho (dites en C4)2 mieux adaptées à ce type d’environnement. Les égyptiens anciens consommaient moins de protéines d’origine animale que les populations actuelles et l’exploitation de ressources aquatiques comme la perche du Nil devait rester anecdotique. Ces résultats, issus de l’analyse isotopique des tissus mous et minéralisés de momies égyptiennes humaines et animales, ont été obtenus par des chercheurs du Laboratoire de Géologie de Lyon (UCBL/CNRS/ENS) avec la collaboration du C2RMF* et du LBBE* et publiés dans Journal of Archaeological Science.
Alors que l’étude des restes archéologiques d’aliments (pollens, graines) nous permet de savoir quelles étaient les espèces végétales connues et consommées par les égyptiens, elles ne permettent pas de savoir dans quelles proportions tel ou tel aliment était consommé. Les représentations artistiques mettent l’accent sur les nourritures les plus grasses et les plus riches, cependant probablement trop onéreuses pour la majorité de la population.
Les rapports isotopiques du carbone (13C/12C) mesurés pour un individu dans différents tissus permettent de calculer les proportions de certaines catégories d’aliments pour cet individu, et d’avoir une idée de l’homogénéité ou non du régime dans une population ou bien d’une population à une autre.
L’échantillonnage a été réalisé sur des momies provenant des collections du Musée des Confluences de Lyon et du Musée Testut Latarjet d’anatomie et d’Histoire naturelle médicale de Lyon. Ces momies datent de 5500 ans (période Prédynastique) à 1500 ans (période gréco-romaine) avant nos jours, elles ont été rapportées des régions d’Antinoé, de Thèbes et d'Elephantine (vallée du Nil) par Ernest Chantre et Louis Lortet à la fin du XIXième siècle. Les mesures isotopiques sont très comparables d’une époque à une autre (entre -14,5‰ à -13,5‰ pour l’os, entre -12 et -11‰ pour l’émail), indiquant que le rapport entre plantes fixant le carbone en C3 (orge, blés) ou en C4 (millet, sorgho) dans l’alimentation des égyptiens est resté constant au cours du temps. Les plantes en C4 pourtant plus adaptées aux climats chauds ne représentent à toutes les périodes qu’une très faible part de l’alimentation (<10%). La seule évolution notable concerne les momies d’individus coptes, de la fin de la période romaine, qui au sein des plantes en C3 semblent avoir privilégié des plantes particulièrement appauvries en 13C. Ceci pourrait indiquer une consommation importante d’huile végétale, en accord avec l’introduction de l’huile d’olive en Egypte pendant la période romaine.
La consommation de protéines animales a pu être estimée grâce aux analyses faites dans les cheveux des momies : elle est de l’ordre de 30%, similaire à celle des ovo-lacto-végétariens actuels (en Europe : -19,5‰ pour les végétariens contre -18,5‰ pour les omnivores, Macko et al., 1999). Ceci est en accord avec les données de documents historiques décrivant le salaire en nature des ouvriers égyptiens, constitué principalement de céréales, de légumes et de légumineuses, et comprenant plus rarement de la viande ou du poisson. Les rapports isotopiques de l’azote ( ?15N de 9 à 15‰) et du soufre ?34S de 7 à 11‰) indiquent en outre que la consommation de poissons (tels que la perche du Nil) était rare.
source : http://www.insu.cnrs.fr/node/4807
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