Conférence Bernard Mathieu : taureau contre taureau
Le taureau n’est pas unique en Egypte. Il existe plusieurs taureaux sacrés comme le Apis, le Bouchris, le Mnévis. Cette diversité se voit aussi dans la manière de désigner l’animal : taureau ioua, taureau ka, taureau rouge, taureau séma, etc. 26 termes sont connus. Quelques-uns concernent le veau. Comme le fait remarqué le chercheur, on a parfois tendance à traduire ces termes par boeuf mais c’est souvent une erreur.
Surtout, nous trouvons la mention et la représentation de taureaux se faisant face, se combattant. Nous trouvons ainsi la référence du taureau tjounou. Ce terme dérive peut être de metjounou, qui signifierait « arène ». Ce motif du taureau combattant est assez bien connu. Le plus ancien décor remonte à la 6e dynastie. Mais ce thème semble purement et simplement disparaitre après la 18e dynastie. Actuellement, 30 scènes sont répertoriées, comme dans les tombes de Meir.
Plusieurs thèmes peuvent être évoqués : séparer les taureaux, le combat proprement dit, l’accouplement. Pour ce dernier, il n’est pas impossible que cela évoque le combat de taureaux pour la femelle. Parfois, un homme doit les séparer. Certains textes évoquent le rôle de cet individu et les paroles criées aux taureaux pour qu’ils arrêtent le combat.
Ce combat peut aussi rappeler le mythe ancien de la lutte de Seth contre Horus. B. Mathieu rappelle ainsi la rivalité entre les cités du faucon et de Seth. Ce serait donc là la métaphore du mythe osirienne : Horus l’Ancien contre Seth l’Ancien, agression réciproque et réconciliation. A ne pas confondre avec le mythe osirien où Seth est le fautif.
Une des scènes les plus connues se trouve dans le mastaba de Mérérouka : avec un taureau néga que l’on tente de soumettre. Il est l’adversaire à soumettre, au profit du défunt. Par définition, le taureau rouge néga est vu comme un animal séthien que l’on soumet. Il est un auxiliaire du défunt. Osiris aussi possède son taureau : le taureau iménou. Horus le Jeune possède le taureau victorieux. Ce dernier est l’image du roi et c’est même une désignation du roi à partir de Thoutmosis Ier.
Conférence Didier Devauchelle : Quel taureau pour Apis
Impossible de ne pas aborder le taureau Apis dans une journée dédiée aux taureaux égyptiens ! D’Apis, nous possédons beaucoup de documents provenant d’un seul et même endroit : le Sérapéum de Saqqarah, découvert par Mariette.
Mais une question qui se pose, est comment reconnaître un Apis, comment est-il choisi à la mort du précédent taureau sacré ? Quelles sont marques ? Selon les auteurs (Hérodote, Pline, Strabon, etc.), les marques changent : noir avec un triangle blanc sur le front n’est qu’un exemple. Apis n’est pas une race de taureau mais le nom de l’animal. Il est veillé et soigné durant toute sa vie. Et il n’est pas forcément puissant. Il bénéficie de grandioses funérailles. Notre Apis semble être limité à Memphis. Il peut même ne pas avoir d’Apis durant plusieurs années.
Difficile de connaître l’origine même d’Apis. La pierre de Palerme évoque des courses d’Apis et nous connaissons quelques mentions de cet animal dès les premières dynasties mais il est très discret dans les Textes des Pyramides, un peu plus présent dans les Textes des Sarcophages. Dans la tombe d’Ankhtifi, avoir un taureau est une marque de richesse et de prestige. Plus étonnant, dans la fameuse chapelle blanche, dans la mention de la ville de Memphis, Apis n’apparait pas.
Nous le trouvons, par contre, sur des décors de la Chapelle Rouge : la reine court avec le taureau.
Les débuts du Sérapéum, nécropole du taureau, sont difficiles à cerner. D’Amenhotep III à l’an 30 de Ramsès II, les taureaux bénéficient de tombes individuelles. C’est seulement à partir du milieu du règne de Ramsès II que les petits souterrains sont creusés pour y aménager de grandes cavités pour recevoir les momies des taureaux. La place venant à manquer, les grands souterrains sont creusés à partir de la 26e dynastie. L’autre raison est le délabrement des premières galeries. Les derniers taureaux Apis sont cités dans des textes du 4e siècle (période romaine). Mais nous ne connaissons pas leurs tombes.
A Alexandrie, l’image du taureau n’est pas rare mais faut-il y voir forcément un Apis ? La fameuse statue d’un taureau découverte au Sérapéum d’Alexandrie est souvent assimilée à un Apis mais est-ce réellement le cas ? Peut-être pas…
Conférence Stéphanie Porcier : Mnévis, le taureau sacré d’Héliopolis
Mnévis est un des taureaux sacrés de l’Egypte ancienne. Malheureusement, il est bien moins connu que les Apis. Si les textes nous en parlaient, il a fallu attendre les premières du 20e siècle pour avoir des monuments de cet animal : une statue découverte dans le grand temple d’heliopolis datant de Siptah, des stèles et surtout une tombe de grande taille datant de Ramsès VII ! En 1918, une seconde tombe est découverte, avec quelques objets. Malheureusement, ces tombes et objets n’ont pas l’objet d’une publication complète. Et le Mnévis n’a pas attiré beaucoup de chercheurs.
Les textes des pyramides mentionnent un taureau mais visiblement il ne s’agit pas de notre Mnévis. Il apparait sans aucun doute durant la 18e dynastie : au plus tard sous Hatshepsout. Puis nous avons des mentions régulières. Les stèles-frontières d’amarra mentionnent une nécropole de Mnévis, jamais découverte. Il est plausible qu’elle n’a jamais existé.
Mnévis reste actif durant la 1er millénaire et la période gréco-romaine. Il est mentionné sous le règne d’Auguste. Le dernier taureau connu vit sous l’empereur Caracalla.
Comme pour les Apis, le Mnévis est choisi selon des marques : il apparait gros et massif, il a des cornes plutôt droites, un grosse bosse avec des plis (que l’Apis ne possède pas). Sur au moins deux stèles, sa couleur est rouge. Est-ce uniquement un rappel solaire ? La race même de notre taureau est difficile à déterminer : taureau sauvage ou Auroch ?
A noter que la chercheuse prépare une thèse sur le Mnévis.
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