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La stèle de la tempête et l’explosion de Santorin : hommage à Claude Vandersleyen

Au milieu du 20e siècle, les fragments d’une grande stèle furent découverts durant la fouille du 3e pylône de temple d’Amon de Karnak. Le monument de 1,8 mètre à l’origine, est au nom du roi Iâhmès (Ahmose, Ahmosis). Il a fallu attendre 1967 pour avoir une traduction intégrale du texte par Claude Vandersleyen. Le contenu est totalement atypique. Le lien entre cette stèle et les conséquences avec l’explosion de Santorin est aujourd’hui admis pour de nombreux égyptologues. Quel impact eut cette explosion sur l’Égypte ? Peut-elle permettre de caler la chronologie de la fin des hyksôs, du début du Nouvel Empire, voire, établir un lien (même lointain) avec l’Exode biblique ?  

Nous souhaitons rendre hommage à Claude Vandersleyen par cet article sur un dernier monument que l'égyptologue avait étudié avec minutie. 

François Tonic, paru dans Pharaon Magazine n°28

Comme pour boucler la boucle ouverte en 1967, Claude Vandersleyen a publié il y a quelques mois L’Égypte au temps de Moïse. Pour nous, la partie la plus intéressante est l’analyse faite de la stèle de la tempête, avec les plus récentes études sur le sujet, et l’explosion de Santorin dont toutes les traces pourraient se trouver dans un autre document égyptien et bien entendu dans les fameuses dix plaies d’Égypte de l’Exode biblique. Ce dernier thème ne sera pas abordé ici, car il sort de la trame de cet article. 

Une stèle royale recto verso

Les premiers fragments de ce monument furent découverts en 1947 dans le 3e pylône. Divers morceaux sortirent de la maçonnerie durant plusieurs années. Récemment, un morceau, découvert sans doute entre 1947 et 1951, fut identifié et replacé sur la stèle « remontée ». Il s’agit d’une stèle royale au nom du roi Iahmès. Elle est gravée des deux côtés. À l’origine, l’objet mesurait 180 cm. Malheureusement, une grande partie du haut (scènes) est perdue et le texte demeure en lacune. 

On apprend que le jeune roi était dans un palais à Ballas, site localisé au nord de Louxor. Ce vaste palais fut sans doute construit par les hyksôs, lorsque leur pouvoir descendait jusqu’aux marges du « royaume » de Thèbes (Louxor moderne). Une énorme tempête (tempête de pluie) s’abat sur la région et le souverain trouve refuge dans les bâtiments. Le texte indique que le roi se dit responsable de cet événement climatique. Visiblement, la tempête fut violente, le ciel devint noir, les habitations flottaient dans les eaux (inondation). Les vents étaient sans aucun doute violents et continus, car le texte dit qu’il fut impossible d’allumer des torches. Cela dura plusieurs jours. La suite de la stèle évoque de nombreux dommages à Thèbes (dans les temples et les tombes). La population subit elle aussi des destructions, et sans doute des morts. Iahmès donna des ordres pour rétablir la situation et reconstruire dans tout le pays. Nous pouvons imaginer que le nord fut durement touché par ce déchaînement. Le roi, durant la remontée du Nil de Ballas à Thèbes, put voir une partie des dégâts et des morts. 

La stèle de la tempête est donc le souvenir d’un très violent événement climatique. Peut-on l’identifier et connaître son origine ?

L’explosion de Santorin a touché le Proche-Orient et l’Égypte

L’île de Santorin possédait une riche civilisation qui fut détruite et ensevelie. L’explosion dépassa largement l’île par sa puissance. Un tsunami se propagea sur une large zone méditerranéenne. Des cendres se retrouvèrent à plusieurs centaines de kilomètres du volcan. La météo fut bouleversée durant plusieurs jours ou semaines. Et il n’est pas impossible qu’une sorte de détonation se fît entendre, notamment en Égypte. 

Plusieurs questions se posent si nous admettons que le récit de la stèle évoque un cataclysme naturel et que celui-ci soit lié à Santorin

- est-ce la conséquence directe de l’explosion de Santorin 

- est-ce le résultat d’un dérèglement climatique temporaire sur une partie de la Méditerranée suite à l’exposition de Santorin. Car l’énorme quantité de matières expulsées par le volcan a eu des conséquences durant plusieurs semaines ou mois

Tous les égyptologues ne sont pas d’accord sur le lien entre la stèle de la tempête et Santorin. Mais retenons cette phrase de la publication de Ritner et Moeller en 2014 : « il est maintenant temps de considérer que la stèle de la tempête est un témoignage contemporain du cataclysme de Théra (Santorin). » 

Un autre document égyptien évoquerait Santorin 

Un autre document est susceptible d’être versé au dossier « Santorin » : le papyrus mathématique Rhind. Ce document exceptionnel pour l’histoire des sciences fut écrit durant la 17e dynastie sous le long règne du roi hyksôs Apophis. Cependant, un court texte, rajouté visiblement après le texte principal, indique l’an 11 d’un roi non nommé qui pourrait être le successeur d’Apophis, Khamoudi. 

« L’an 11, le 2e mois de la saison récolte, on entra à Héliopolis. Le 1er mois de la saison de la germination, le 23e jour… il est entré à Tjarou. L’an 11, le 1er mois de la saison de la germination, jour de la naissance de Seth, sa voix est donnée par la majesté de dieu. Le jour de la naissance d’Isis, le ciel fit de la pluie ». (traduction C. Barbotin, Ahmosis, Pygmalion 2008).

Ce témoignage exceptionnel est noté sur le vif par un scribe, peut-être l’auteur même du papyrus. Plusieurs éléments sont importants :

- les indications de Héliopolis (près du Caire moderne) et de Tjarou, le poste-frontière orientale égyptien, montrent la progression du roi du sud, Iahmès, dans le royaume hyksôs. 

- La voix du dieu Seth que Vandersleyen identifie au grondement de Seth, peut-être une très forte déflagration ou du tonnerre particulièrement puissant.

- La pluie le jour d’Isis serait une indication d’une violente tempête ou de pluies diluviennes. 

A priori, le scribe vit dans le nord du pays et non le sud, donc le grondement et la pluie sont aussi rapportés dans le nord. Le fait que des phénomènes météorologiques soient mentionnés est un sérieux indice sur le caractère exceptionnel de ces événements. La pluie, même peu fréquente en Égypte, n’est pas un événement en soi, de fortes pluies existent aussi dans le nord et dans le sud. Là, il s’agit sans aucun doute de phénomènes peu communs dans la durée ou la violence. 

Le seul événement naturel connu à cette époque pouvant produire de telles déferlantes de pluies et de grondements est l’explosion de Santorin. Il ne serait pas absurde, comme le propose Claude Vandersleyen, de considérer le texte du papyrus Rhind comme un témoignage contemporain de l’explosion de Santorin. 

Un réel problème de chronologie ?

Placer l’explosion de Santorin sous le règne de Iahmès et plus précisément, durant la guerre contre les hyksôs, semble possible, mais un réel problème chronologique semble exister :

-       les dernières études datent l’explosion de Santorin avant 1600 av. J.-C.

-       actuellement, la chronologie égyptienne place le règne de Iahmès vers 1570 – 1550 av. J.-C. 

À vrai dire, il y a 20 ans, l’éruption du volcan de Santorin était datée entre 1524 et 1500. Depuis une dizaine d’années, de nouvelles analyses ont remonté la datation : entre 1627 et 1600. Nous sommes alors en pleine domination hyksôs en Égypte et la 17e dynastie prospère peu à peu à Thèbes, selon la chronologie actuelle. Les récentes analyses par radiocarbone modifient la chronologie relative admise aujourd’hui. Ainsi, Iahmès monterait sur le trône entre 1566 et 1552 ou 1570 et 1544, selon la calibration admise. Une marge d’erreur, même réduite, existe toujours. D’autre part, malgré les recherches sur la seconde période intermédiaire, sa chronologie demeure peu certaine. Cependant, même si nous prenons la date basse pour l’éruption volcanique, nous sommes aux alentours de 1600 av. J.-C. 

Dans l’état actuel des recherches, difficile de concilier l’éruption avec la stèle de la tempête et le papyrus Rhind. Cependant, nous pouvons espérer une plus grande précision des datations dans les prochaines années. Et il ne faudrait pas omettre l’hypothèse que les événements climatiques dans ces deux documents égyptiens puissent en réalité être le résultat des effets de l’éruption sur le climat d’une partie de la Méditerranée durant plusieurs mois, ou plusieurs années, après l’explosion de Santorin. Ces conséquences ont été encore peu étudiées.

La possibilité que la stèle de la tempête puisse être un chaos météorologique provoqué par Santorin apporterait un élément chronologique fiable. Reste à confirmer l’hypothèse et à mieux préciser la datation. 

Bibliographie

C. Vandersleyen, L’Égypte au temps de Moïse, L’Harmattan, 2016

R. K. Ritner & N. Moeller, The Ahmose « tempest stela », Thera and comparative chronology, dans Journal of Near Eastern Studies, vol. 73, n° 1, avril 2014

S. Biston-Moulin, À propos de deux documents d’Ahmosis à Karnak. Karnak Varia (§ 1-2) », Karnak 15, 2015 p. 48-49.

C. Barbotin, Ahmosis, Pygmalion, 2008

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