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Les secrets de fabrication des ostraca en calcaire

Résumé de la conférence du 17 octobre 2019 de Guillemette Andreu à l’association AEREA (Rocquencourt-Le Chesnay) 

L’exposition « le scribe des contours » (Louvre) a permis de faire connaître l’art et la diversité des ostraca en calcaire à un large public. Un des plus célèbres est la figuration de Ramsès VI. Cette occasion unique a permis de les étudier grâce à une campagne de restauration des ostraca du musée du Louvre. 

Cette restauration a permis de mieux découvrir les figurations et les textes. Pour les nettoyer, le plus simple est la salive (eh oui). Ce long travail a permis de retrouver les couleurs. 

Plusieurs objectifs étaient fixés à cette étude : comment étaient-ils fabriqués, analyser les pigments et mieux dater les objets. 

Les ostraca sont recouverts de poussières, de crasses. Elles dégradent les pigments, mais aussi le support en lui-même (le calcaire est une pierre sensible à l’acidité). Ce nettoyage a permis de mieux comprendre le contour des éclats et des décors. La saleté masque parfois les détails.

Les thèmes sont variés : scènes parodiques, textes seuls, personnages, animaux.  

L’analyse des pigments a donné des éléments intéressants. Les artisans utilisèrent des pigments précieux comme le vert égyptien, le rouge, le noir, le blanc. On constate aussi que les contours de l’ostracon ont subi des retailles pour donner la forme voulue. Bref, la forme est volontaire. 

Un détail est intéressant : le talon des éclats est plat. Cet élément signifie que les ostraca étaient sans doute posés debout pour être rangés et stockés ! Comme pour constituer une « ostracothèque ».

Selon Pascal Vernus, l’ostracon serait comme le papyrus pour les artisans de Deir el-Médineh. Mais les artisans ne se représentent pas eux-mêmes. Ils figurent des gens plus simples, souvent chauves et gras, comme on peut le voir sur le papyrus érotique de Turin. Dans d’autres cas, on peut voir des scènes vivantes et vives comme un ostracon avec trois chiens et une hyène ou encore une scène d’un jeu de bâtons. 

Pas une simple plaquette

L’analyse des ostraca montre que ce n’est pas une simple plaquette récupérée par terre. Ces fragments sont travaillés. Ils sont bien moins chers qu’un papyrus. La restauration a clairement montré des tailles et recoupes notamment sur les contours. Et la silhouette générale a aussi été travaillée. 

Comme le dit l’égyptologue, « on a appris à identifier les retailles ». 

Une dizaine d’ostraca ont été examinés par imagerie 3D pour « retirer » virtuellement les décors et les textes pour découvrir la surface nue. Cette technique permet de comprendre la production des ostraca, qui semblent être produits pour ces illustrations. On peut alors découvrir les détails des tailles, les contours naturels et non naturels. 

Un échantillon de 50 ostraca a été observé, une quarantaine ont été étudiées à l’œil ou à la loupe. Au Louvre, une armoire a été ouverte pour choisir l’échantillon, un peu au hasard. 

Plusieurs exemples de fractures ont été identifiés : 

– des fractures communes depuis le talon généralement

– fracture conchoïdale avec un percuteur

– fracture en split par un ciseau

Le dos est intéressant, car là encore, on peut voir des traces d’enlèvement de matières. Une des raisons peut être pour en réduire le poids et donc faciliter le transport. La notion de stockage semble être importante : des ostraca portent une sorte de pointe pour pouvoir tenir debout. 

Environ 20 ostraca portent des retouches claires sur les pourtours pour donner une forme plus précise. Si la plaque peut rester naturelle, le contour est tout de même aménagé avec un percuteur (souvent en bois dur). Seuls 5 exemples sont clairement des plaques naturelles, 42 ont été débités. 

Le décor n’est pas posé au hasard. Il est sans aucun doute composé pour tenir dans le cadre, imposé par la pierre. 

Les outils employés semblent communs : ciseaux, percuteurs, maillets.

On peut aussi se demander qui faisait ces ostraca à la chaîne, car il s’agit sans doute d’une production, peut-être dans une aire de travail définie. Est-ce que les tailleurs de Deir el-Médineh les taillaient sur leurs heures de repos ? 

L’autre question que l’on peut se poser est la provenance. De nombreux ostraca viennent du village des artisans, mais aussi de la vallée des rois. Les déchets du creusement des tombes royales et celles des artisans étaient un gisement « sans fin ». 

L’analyse géologique des pierres permet de déterminer la provenance. À l’œil nu, il est impossible de la déterminer. À Deir el-Médineh, nous trouvons plutôt de la pierre sédimentaire, dans la vallée des rois, du calcaire. 

L’étude des décors en eux-mêmes est un précieux indice. Par exemple, les ostraca de la vallée des rois ne montrent jamais Amon en oie, contrairement à Deir el-Médineh. Ils peuvent être vus comme des ex-voto. La mission Ramsès X (Bâle) a étudié +500 ostraca. Nous ne trouvons pas de motifs privés ou domestiques (ex. : mère - enfant). Au village de repos (sur la montagne thébaine), un ensemble de « maisons » pour les artisans, nous trouvons ces motifs. Car il s’agit d’un lieu privé. Ils se trouvent communément à Deir el-Médineh (fouille du grand puits). 

L’égyptologue s’interroge sur le lieu du ou des ateliers et sur qui étaient les artistes réalisant ces ostraca. Le débat reste ouvert, car aucun vestige ne permet de le déterminer. Le secteur du temple d’Hathor est parfois proposé comme lieu de fabrication. 

Sur les artistes ayant réalisé ces ostraca, il est impossible de les connaître sauf à découvrir des traces identiques dans le style et les traces d’outils. 

 

L’autre question que l’on peut se poser : les ostraca sont-ils des commandes ou une expression spontanée ? De nombreux ostraca sont privés par les décors. Certains peuvent servir d’ex-voto pour des divinités du village par exemple. Nous trouvons aussi des esquisses de décors de tombes, voire, des traces de plans. Les esquisses permettent de s’entraîner sur un type de décor ou pour préparer un réel décor. 

Scènes d’allaitement : un décor très commun

Les scènes d’allaitement ne sont pas rares. On constate que ces scènes se ressemblent beaucoup. Là, de nombreuses questions se posent : qui en sont les auteurs ? pourquoi ? Est-ce un fantasme ? Au-delà se pose une question : où sont les femmes à Deir el-Médineh ? Et là, on s’étonne de ne pas en voir, ou si peu. Est-ce qu’elles vivent plus près du Nil, à cause de l’eau et de l’approvisionnement quotidien ? 

Si les femmes sont peu présentes, et donc les enfants, le village rassemble donc en majorité des hommes. Pensaient-ils à leur famille durant la semaine ? Si tel est le cas, on pourrait y voir cette pensée inscrite dans la pierre.  

 

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