Nous avons regardé le documentaire inédit de France 5 : Toutankhamon, la chambre secrète. Voici notre analyse à chaud.
L’ensemble est agréable à regarder et le temps passe vite. Et si on reste au visionnage, on pourrait être convaincu par les arguments : il y a quelque chose derrière les murs de la tombe du jeune roi, Néfertiti était vivante à la mort d’Akhenaton, elle règne quelques années, voire, elle devient corégente de Toutankhamon. Mais, nous avons voulu décortiquer le contenu du documentaire car il comporte beaucoup d’erreurs, des approximations étonnantes (Nicholas Reeves est américain, alors qu’il est anglais) et surtout, il passe sous silences de nombreuses recherches qui contre-disent le documentaire en lui-même.
Le premier élément étonnant : le documentaire ne dit pas clairement qui fut à l’origine de cette déferlante médiatique et des différentes courtes missions qui se succèdent entre septembre 2015 et mai 2016. Tout démarre en réalité en été 2015 avec la parution d’un article de Nicholas Reeves sur la possibilité que la tombe de Toutankhamon soit celle d’une reine et probablement celle de Néfertiti et que deux salles se cachent derrière les murs de la salle funéraire du roi. Reeves pense que Néfertiti est la femme-roi qui succède à Akhenaton.
Autre fait, souvent raconté, la tombe de Toutankhamon fut découverte intacte, or ce n’est pas exacte. Des pilleurs de tombes ont violé la tombe deux fois et ont volé de nombreux (petits) objets, ils arrivèrent jusqu’aux chapelles dorées entourant le sarcophage. Les autorités rangèrent très rapidement le désordre. Par contre, oui, la tombe fut rapidement préparée, la peinture encore humide et la tombe fut refermée dans la foulée, d’où les moisissures. A cela se rajoute sans doute aussi une momie royale à peine « séche » et l’excès d’huiles a nui à la conservation. Reeves a été sans doute le premier à analyser l’architecture finement de la tombe, ce qui n’est pas dit au début, et que la salle funéraire fut aménagée dans ce qui devait être un couloir.
Nous savons désormais qu’une partie du trésor funéraire du jeune roi fut préparée pour une reine, Ankhkeperoure-Neferneferouaton. Son identité fait toujours débat mais aujourd’hui, de sérieux indices l’identifient à Merytaton, la fille aînée d’Akhenaton et de Néfertiti. Les cartouches royaux de cette femme-roi furent grattés sur de nombreux objets pour mettre celui de Toutankhamon. Aidan Dodson montre d’ailleurs un des exemples les plus connus : un pectoral de Toutankhamon. Mais ce n’est pas A. Dodson qui en fait l’analyse et l’étude. Marc Gabolde a publié ce fait il y a plus de 10 ans. Et M. Gabolde a multiplié les études d’objets. L’étude des traits physiques montre aussi effectivement que de nombreux objets ne représentent pas Toutankhamon mais une femme, une femme-roi sans doute et sans doute Ankhkeperoure-Neferneferouaton.
Il est regrattage que le documentaire identifie uniquement cette reine Ankhkeperoure-Neferneferouaton à Néfertiti car on trompe le téléspectateur sans évoquer les contradictions et les débats. Mais en 50 minutes, impossible de tout mettre. Cette obsession de Néfertiti empêche une autre vision des événements. Et il est tout aussi regrettable que Reeves ou Gabolde ne soient pas dans le documentaire car ce sont des spécialistes incontestés du règne d’Akhenaton.
Néfertiti en vie à la mort d’Akhenaton, le documentaire s’appuie sur les objets au nom d’Ankhkeperoure-Neferneferouaton pour le prouver, or, cela ne prouve rien du tout. Nous avons bien une mention de Néfertiti en l’an 16 découverte à Deir el-Bershe (au nord d’Amarna) mais cela ne prouve en rien que la reine soit en vie à la mort du roi. Le documentaire évoque ensuite le fragment d’un coffre de la tombe de Toutankhamon, comme preuve de la survie de Néfertiti, voire même d’une corégence entre les deux personnages. Or, là encore, le documentaire nous trompe et oublie les autres possibilités et d’y voir en réalité Merytaton et non Néfertiti.
Le documentaire évoque un tombeau de Néfertiti, en réalité, il s’agit de la « seconde tombe » dans la tombe royale d’Akhenaton, une suite de salles et de couloirs jamais terminées. Cet état ne signifie pas pour autant que cette partie de la tombe ne fut jamais occupée. L’existence d’une statuette funéraire au nom de la reine Néfertiti, et non du roi Néfertiti, peut indiquer une mort de Néfertiti à Amarna et qu’elle n’a jamais régné.
On nous montre un texte écrit en hiératique dans une tombe thébaine datant de l’an 3 de Néfertiti. Or, ce texte ne mentionne aucun nom de roi mais on suppose qu’il s’agit de l’an 3 d’Ankhkeperoure-Neferneferouaton, la femme roi qui succède à Akhenaton. Ce roi disparait d’ailleurs durant sa 3e année de règne et c’est Toutankhamon qui prend le pouvoir. On peut aussi se poser la question : si la femme-roi était Néfertiti, pourquoi les autorités sous Toutankhamon usurpèrent son mobilier funéraire, mobilier appartenant sans doute à la mère du roi ! Par contre si Ankhkeperoure-Neferneferouaton est Merytaton, cette dernière est vue comme une usurpatrice et donc l’usurpation se fait naturellement et sans problème et Toutankhamon légitime son règne sur celui d’Akhenaton et non d’Ankhkeperoure-Neferneferouaton.
Il est dommage que le documentaire ne s’étende pas plus sur les différentes missions dans la tombe de Toutankhamon. Il évacue en quelques minutes les recherches et les résultats. Car finalement, ces résultats ne montrent rien de précis et d’absolu, d’ailleurs, l’étude menée début mai 2016 n’a pas pu apporter une « preuve » suffisante. Et rappelons que le précédent ministre fut d’abord très prudent sur l’existence des 2 salles (après septembre 2015), avant de dire qu’il était sûr à 90 % (décembre 2015 et après). C’est la grosse faiblesse du documentaire : ne pas montrer les équipes en action, on ne compare les résultats les uns aux autres, etc. Actuellement, ce projet est gelé par le ministère des antiquités, par manque d’indices suffisamment sérieux pour prouver l’existence d’une ou plusieurs salles.
A vous de vous faire une opinion.
Commentaires
Publier un nouveau commentaire