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Aux origines des dieux égyptiens

Horus, Isis, Osiris, Seth, Hathor, Sobek, Amon, Thot… ces noms sont connus de toutes et de tous. Dieux égyptiens parmi les plus connus, une question revient souvent : d’où viennent ces dieux ? Quelles sont leurs origines ? Depuis 30 ans, les découvertes archéologiques se multiplient et permettent d’en savoir un peu plus sur l’origine des dieux égyptiens.

François Tonic, historie, éditeur & rédacteur en chef de Pharaon Magazine

Dès la création de Toutankhamon Magazine en 2001, nous nous sommes intéressés à cette fascinante période : la période prédynastique. Elle se situe avant la 1ere dynastie (marquant le début de la période historique de l’ancienne Égypte) et avant le règne de Narmer, considéré comme le premier roi de toute l’Égypte. La dynastie 0 est l’ultime évolution vers l’apparition de l’État égyptien centralisé autour du pharaon. Nous sommes aux alentours de 3300 – 3150 av. J.-C.

Prélude

Avec l’apparition des premières sociétés humaines organisées, des premiers villages et d’une conscience commune, la religion y apparaît parallèlement. Ce phénomène n’est pas propre à l’Égypte.

Au départ, nous devons parler d’idoles, de fétiches, et non de dieux. Le dieu nécessite un culte organisé, d’un temple et d’une vénération commune. Le passage entre ces différentes religiosités est difficile à comprendre, à cerner dans le temps.

Les questions des Hommes sont souvent : la vie, la mort, la survivance des enfants, les bonnes récoltes, éviter le chaos, conjurer les mauvais événements. Bref, le hasard fait partie de la vie mais il faut essayer de comprendre ce hasard ou du moins de l’expliquer. Le développement religieux (des images divines, des conceptions religieuses, des temples, des dieux) se déroule souvent près du pouvoir « royal » naissant, des chefs locaux. Les temples sont construits et « financés » par l’État. Le temple, avec son dieu, devient le cœur de la cité, en étroite relation avec le pouvoir. Les premiers prêtres sont peut-être les élites de la ville, sans doute en relation avec le pouvoir. 

L’apparition des dieux archaïques (ou proto-dieux)

Toby Wilkinson, auteur d’une remarquable synthèse sur la période prédynastique (early dynastic Egypt, 1999), distingue les dieux universels et les dieux locaux. Dans la religion égyptienne, il y a des dieux ayant une importance nationale et universelle et d’autres « régionaux ». Ce concept apparaît donc très tôt.

L’origine de cette différence s’observe dès la dynastie 0 (vers 3330 – 3150 av. J.-C.), voire, avant. Très tôt, des divinités locales apparaissent et leurs représentations se concentrent dans une région précise, voire, uniquement dans une ville, un village. D’autres ont très rapidement une importante « royale » et nationale. Cette divinité s’impose au-delà de son lieu d’origine. Les Égyptiens eux-mêmes vont écrire : [nom du dieu] de [nom de la ville]. 

L’exemple le plus typique de la période prédynastique est le faucon. Le faucon devient rapidement un symbole que l’on retrouve dans toute l’Égypte. Son association avec la royauté et le futur pharaon est quasi immédiate. Est-ce déjà le faucon Horus ? Une divinité faucon est vénérée à Nekhen (Hiérakonpolis, moderne Kom el-Ahmar, au sud de Louxor). Il semblerait qu’un culte d’Horus très important se développe dans cette ville. Peut-être même que Horus fut originaire de cette région. D’autres divinités faucons apparaissent dans d’autres villes mais Horus va s’identifier à la royauté, à la force et à la protection du pharaon. 

L’origine du mot « dieu »

Traditionnellement, nous traduisons le mot égyptien netjer par « dieu ». L’origine de netjer est incertaine. Le signe composé d’un faucon posé sur un pavois, utilisé dès la fin de la dynastie 0 (vers 3150 av. J.-C.), se lit « netjer ». La valeur phonétique de ce signe intrigue les chercheurs mais sa lecture ne fait aucun doute durant l’Ancien Empire. Étonnamment, cette valeur phonétique est valable pour le faucon sur son pavois et le pavois seul. L’origine du signe proprement dit fait toujours débat. Mais il n’est pas impossible qu’il représente un mat et son drapeau en son sommet.

Bref, pourquoi « dieu » s’appelle « dieu » demeure une énigme !

Les dieux par l’image

Quand on visite l’Égypte ou que l’on feuillette un livre sur cette civilisation, une chose frappe l’esprit : les dieux sont représentés sous forme animale ou d’un homme à tête d’animal. Et cette représentation des dieux est remarquable de continuité, durant plus de 3300 ans.

Ces images si particulières remontent aux origines de la civilisation égyptienne. Très tôt, les dieux, et les différentes formes divines vont avoir un aspect animalier : faucon, crocodile, vache, animal hybride, chacal, etc. Cependant, il ne fait  aucun doute que des dieux archaïques et des idoles (forme encore plus ancienne que le dieu) aient une forme purement humaine : déesse-mère, les hommes barbus (notamment les colosses de Min de Coptos).

Peut-être que ces premiers Égyptiens en observant la faune ont décelé des qualités particulières à tel ou tel animal. Le chacal qui était pourtant un détrousseur de tombes (pour  déterrer les cadavres à peine enterrés) deviendra le protecteur des morts et des cimetières, comme pour conjurer les actions néfastes de l’animal.

Cependant, une question se pose : quand et comment une simple image devient une image divine ? C’est-à-dire à quel moment, regarde-t-on l’image du dieu ? Importante ou non, la réponse à cette question fournit des indications sur l’organisation et la structuration de la religion,  On constate aussi que ces « premiers » dieux tiennent une place très discrète sur les décors et les objets.

 

Le dieu Min

Plusieurs découvertes laissent perplexe. Une des plus importantes fut celle des fameux colosses de Coptos (au nord de Louxor). Coptos fut très tôt une ville importante et le dieu Min a eu une « carrière » très longue. Son origine est obscure mais les colosses découverts dans les ruines des temples pharaoniques pourraient apporter une précieuse réponse.

Ces colosses représentent un homme barbu avec un phallus en érection. Hormis la barbe, c’est l’image typique de Min. 2e indice important : la découverte eut lieu à Coptos. 3e indice : les colosses et Min sont des divinités de la fertilité. Aucune datation précise n’a jusqu’à présent été possible : entre 3300 et 3150 av. J.-C..

La déesse vache : de Bat à Hathor

Bat, déesse vache, est une des plus anciennes divinités égyptiennes. Elle est représentée sur la fameuse palette de Narmer. Bat et Hathor ont des origines distinctes (les chercheurs le supposent). Mais les deux déesses se ressemblent beaucoup et Hathor va supplanter et s’identifier à Bat. La vache est identifiée comme l’animal protecteur de l’enfant. Malgré tout, les origines d’Hathor restent obscures avant l’Ancien Empire et Bat prend racine très loin dans le passé mais les deux divinités vont se confondre.

L’exceptionnelle trouvaille de Tell el-Farkha

Tell el-Farkha, dans le Delta du Nil, livre aux archéologues depuis plusieurs années un matériel exceptionnel. De nombreux objets y ont été découverts dans des dépôts aménagés. Les premières occupations remontent aux alentours de 3700 av. J.-C. et déclinent après 3150 av. J.-C. Un vaste ensemble administratif et de culte y fut découvert avec ce qu’il semble être deux chapelles. Des dizaines de figurines d’animaux et d’hommes et de femmes furent enterrées par les habitants (?). L’interprétation de ces objets est difficile mais plusieurs figurines pourraient être reliées au pouvoir royal naissant ou à des divinités.

Un culte royal, avec ou sans dieux ?

Le sanctuaire est-il dédié au dieu ou au « roi » ? De nombreux objets votifs semblent être liés au pouvoir royal naissant, aux symboles du pouvoir central. Ainsi, la fameuse palette de Narmer était dressée au cœur du sanctuaire de la ville de Nekhen, avec d’autres objets « royaux ». Même chose à Tell el-Farkha. Bien que la divinité locale soit vénérée par les habitants, ce n’était sans doute pas le culte central du sanctuaire. Et il ne fait aucun doute que le roi et le dieu sont intimement liés. Est-ce la religion qui aide le pouvoir royal (ou un pouvoir local fort) ou l’inverse ? À la fin de la dynastie 0 et durant la 1ere dynastie, plusieurs « fêtes » semblent dédiés au roi, mais des festivals sacrés existent dès la 1ere dynastie (voire avant Narmer).

Le « roi divin » (ou le roi comme divinité) existe-t-il déjà ? Une question se pose d’emblée : comment comprendre la nature des dieux ? Il est troublant que le faucon protecteur du roi omnipotent dès la dynastie 0 soit aussi un des éléments du signe d’écriture signifiant « dieu » (voir encadré « l’origine du mot dieu »). 

La couronne, les sceptres, les emblèmes royaux se développent peu à peu durant la dynastie 0. Les symboles de la Haute et de la Basse-Égypte se fixent très tôt autour des sanctuaires archaïques de ces régions et de leurs divinités respectives. La religion peut être vue comme une arme de conquête ou de propagande envers les différents peuples qui n’étaient pas encore unis sous un seul et même royaume.

Les premiers sanctuaires et les premiers temples

Parallèlement aux dieux, les premiers sanctuaires et temples apparaissent dans toute l’Égypte : Tell el-Farkha, Bouto (Delta de l’Ouest), Saqqarah ( ?), Abydos, Nekhen (Hierakonpolis), Coptos, El-Kab… Malgré toutes les difficultés d’interprétations des rares traces archéologiques de ces temples, oui, les premiers sanctuaires, peut-être un terme plus approprié que « temple », apparaissent au milieu du 4e millénaire, ou dès le début.

Par chance, nous connaissance la forme et l’architecture de ces sanctuaires archaïques, car ils vont constituer une des fondations de la civilisation pharaonique : sanctuaires du Nord et du Sud, le sanctuaire du dieu Min, etc. Le plus parfait exemple est la cour du Heb-Sed du pharaon Djoser à Saqqarah qui immortalise dans la pierre ces temples primitifs et l’union éternelle de l’Égypte du Nord et de l’Égypte du Sud. Au Nord, nous trouvons le sanctuaire Per-Nou (ville de Bouto) et au Sud, le sanctuaire Per-Our  (ville de Nekhen).

Quelle architecture ?

Il semblerait que les premiers sanctuaires (de simples chapelles) fussent construits en bois et des murs et toitures en peaux (?), certaines constructions avaient une façade plus haute que le reste du bâtiment avec des étendards au sommet des mâts. Une clôture entourait le sanctuaire. Puis, durant la dynastie 0, ou au début de la 1ere dynastie, la brique est utilisée et le sanctuaire s’agrandit petit à petit. La pierre de taille sera massivement utilisée à la fin de la 2e dynastie vers 2750 – 2700 av. J.-C.

Malheureusement, ces premiers sanctuaires furent détruits par les Égyptiens pour reconstruire d’autres temples par-dessus, rares sont les traces découvertes par les archéologues. L’unique exemple d’un temple que nous pouvons suivre sur 2700 ans est le sanctuaire d’Éléphantine à Assouan. Sa localisation entre des rochers a contribué à le préserver. Le premier sanctuaire est installé contre des rochers, un creux servant de « Saint des Saints », des murs en briques furent construits en avant.

L’œuf ou la poule ?

Comment conclure notre article ? Certains lecteurs pourraient s’écrier : un article « nous ne savons pas» (un de plus). Expliquer l’apparition de la religion et des dieux en Égypte reste un exercice extrêmement difficile. Mais depuis 30 ans, l’archéologie a découvert de nombreux objets et les sites prédynastiques livrent année après année de précieux documents mais la religion y reste encore très discrète, ou nous ne regardons pas comme il le faudrait ces découvertes. 

Les palettes, les couteaux décorés, les vases décorés montrent peu de divinités avant la fin de la dynastie 0. L’exaltation du pouvoir, du chef occupe la majorité des décors. 

Mais il est incontestable que des idoles puis des divinités apparaissent dans toute l’Égypte, certaines vont devenir « universelles » et nationales. Certains cultes anciens vont se transformer ou fusionner pour donner les dieux égyptiens (Horus, Isis, Ptah, Amon, Min, etc.).

article paru dans pharaon magazine 18

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