Samedi 18 janvier, l’association égyptologique du Gard a organisé sa 18e rencontre. Chaque année, la journée est consacrée à un thème et 5 conférences sont proposées de 9h à 18h. Une occasion de rencontrer les passionnés et les égyptologues. Cette année, le thème était “Égypte connue et Égypte méconnue”.
Il était difficile de savoir de quoi allaient (aller) parler les égyptologues, le thème ne donnait pas d’indice.
La journée débute par la présentation de l’ancien ministre du tourisme et des antiquités, Khaled el-Enany. Il est actuellement en tournée mondiale pour la prochaine élection à la présidence de l’Unesco. Le ministre a présenté le bilan de son action au ministère et quelques actualités après son départ. Cette conférence avait été présentée pour les 100 ans de la Société Française d’Égyptologie au printemps 2024.
El-Enany rappelle l’importance du patrimoine égyptien : 1 400 sites antiques, 1 000 sites non-pharaoniques, 40 musées, plus de 28 000 employés au ministère. La gestion des antiquités a beaucoup changé depuis les années 1950. Elle a changé à plusieurs reprises de ministère de tutelle avant de redevenir une entité indépendante en 2011 avec la création du ministère des antiquités. En 2019, il devient le ministère du Tourisme et des Antiquités.
Si le ministère et le Conseil Suprême des Antiquités ont toute autorité, deux entités indépendantes ont été créées pour le musée de la civilisation et le Grand Musée Égyptien. Ces structures se veulent plus souples sur l’administration et surtout le financement. C’est pour cela que ces deux musées ne sont pas inclus dans le Cairo Pass par exemple.
À son arrivée en qualité de ministre, El-Enany se trouvait dans une situation financière catastrophique. La révolution de 2011 avait provoqué une chute massive du tourisme, seule source financière des antiquités. Le nouveau ministère a, comme il le rappelle, demandé au gouvernement de soutenir le patrimoine, notamment pour payer les 35 000 employés.
Par son action et l’ouverture de nouveaux sites, le ministère a pu terminer et compléter plusieurs grands chantiers : les musées de Sohag et de la civilisation, la restauration des musées de Mallaoui et de l’art islamique, la fin de la restauration de la pyramide de Djoser. En 2022, le ministère a créé un fonds de soutien pour financer les projets. Ce fonds est alimenté par différents ministères et taxes. Par exemple, sur le montant du visa, quelques dollars reviennent au ministère. Cela permet de mieux assurer le fonctionnement du ministère. Aujourd’hui, les effectifs sont d’environ 28 000p ersonnes, en baisse par rapport à 2015-2016.
Actuellement, environ 300 missions étrangères travaillent en Égypte, une trentaine de missions égyptiennes travaillent sur le terrain. Par exemple, la France a 56 missions, les Américains 55.
Quelques projets menés sous le ministère de El-Enany :
- reprise et ouverture du musée de Sohag après 10 ans d’abandon
- réouverture du musée gréco-romain d’Alexandrie après 20 ans de fermeture et un chantier qui a changé à plusieurs reprises
- ouverture du musée de la civilisation
- ouverture de plusieurs musées en province : Delta et Mer Rouge, premiers musées en collaboration avec le privé (ex. : Hurghada)
- accélération du Grand Egyptian Museum, sécurisation du financement avec un apport de 750 millions du Japon
- préparation du musée des capitales : le musée est prêt mais toujours en attente d’une ouverture officielle
- restauration et ouverture du palais Empain, du palais de Mohamed Ali, du palais Manial (Le Caire)
Le ministre termine sur les trois grands musées du Caire :
- le musée égyptien du centre-ville : il reste ouvert mais subit une vaste campagne de restauration pour retrouver l’ambiance de 1902 et une réorganisation complète des collections
- le musée de la civilisation qui expose les momies royales
- le Grand Egyptian Museum : les 12 galeries principales sont ouvertes. Le trésor de Toutankhamon occupera 2 galeries soit environ 15 000 m². Les préparations pour une inauguration officielle et une ouverture totale du musée sont en cours. L’ancien ministre n’a pas donné plus de détails.
Conférence de Laurent Coulon : les temples d’Osiris connus et méconnus
Cette conférence a été largement présentée à l’association AEREA du Chesnay. L’égyptologue fait une longue introduction sur la nature d’Osiris, son nom, son origine, son iconographie. Par exemple, il rappelle que le (dieu) prend un aspect momiforme, une forme humaine et des exemples le présentent sous une forme animale, une apparence que l’on n’évoque jamais.
Il rappelle la dualité Bousiris/Abydos liée à Osiris. Bousiris est un des lieux les plus sacrés d’Osiris et il possédait sans doute un très important centre osirien. On évoque la plupart du temps un voyage réel ou fictif à Abydos, une sorte de pèlerinage. Mais Laurent Coulon rappelle qu’il existait le même voyage à Bousiris. Les deux voyages sont parfois mis en symétrie dans les tombes.
Bousiris, ou Per Ousir, se situe dans le Delta. Laurent Coulon a lancé une étude du site et des vestiges. Sur le terrain, le site antique est détruit ou sous la ville moderne. Il a pu voir des vestiges de poteries tardives découverts lors de travaux publics dans les rues de la ville, preuve que la ville antique est à quelques mètres sous le niveau actuel. Mais il est impossible à fouiller.
La nécropole est connue mais malheureusement totalement détruite. Du moins, les quelques vestiges visibles dans les années 1950 ont disparu. Cette enquête n’en est qu’au début. Un sanctuaire osirien existait-il à Bousiris ? Pour l’égyptologue, la réponse est oui. Il est sans doute profondément enfoui dans le tell. Un décor de la tombe TT 147 montre le pylône du sanctuaire datant du Nouvel Empire.
Pour terminer, il évoque les catacombes osiriennes. Il avait découvert et dégagé celles de Karnak mais depuis cette trouvaille, d’autres sont apparues au Fayoum, près de Gizeh, sans doute à Abousir. Il pense que des catacombes osiriennes ont pu exister dans chaque province…
Conférence de Simon Thuault : religion et spiritualité en ancienne Égypte
Quelle est la nature de la religion égyptienne ? Comment les Égyptiens pratiquaient la religion ou comment la considéraient-ils ? Hérodote disait que les Égyptiens étaient les plus religieux au monde. Dans quel sens ? Simon Thuault évoque que la religion, et le divin étaient omniprésents, et que la frontière entre religion et profane n’existait pas réellement.
Si les Égyptiens étaient entourés par le religieux, sont-ils pour autant “obsédés” par le fait religieux, la religion ? Par extension, sont-ils si obsédés par la mort ? Des textes littéraires tendent à prouver le contraire. Par exemple, les chants des harpistes évoquent une forme de vie dans l’instant présent (= carpe diem). On oublie trop souvent cette vision : vivre sa vie tant que l’on peut le faire”. Cela ne signifie pas que les Égyptiens ne pensaient pas à la religion ou aux défunts (garder le souvenir des morts, prononcer leurs noms).
Simon Thuault rappelle aussi que les Égyptiens ne possédaient pas de mot signifiant “religion” mais cela ne signifie pas qu’elle n’existait pas. De même, il n’y a pas de livre unique comme la Bible ou le Coran.
Quelle est la nature de la religion égyptienne ?
Plusieurs natures sont évoquées : polythéiste, hénothéisme, panthéisme, monothéisme. Simon Thuault ne tranche pas la question mais rappelle que les Égyptiens ne voulaient pas faire n’importe quoi. Il existe une certaine logique dans les attributs des dieux. Même si (la) religion égyptienne est souple et malléable, elle ne permet pas tout. Il rappelle aussi que chaque divinité a sa mythologie mais qu’elle n’efface pas les autres mythologies des autres dieux.
Il revient sur la notion de dieu, de netjer. En réalité, le mot netjer peut désigner un dieu, un génie mais aussi un roi. Ainsi, les rites de couronnement donnent une nature sacrée au roi, donc un netjer. Les défunts sont des netjer après les rites pour devenir un Osiris, etc.
Quelle croyance populaire ? Quelle religiosité ?
Les Égyptiens étaient sans doute croyants/pieux. La piété peut être le fait de prononcer le nom des défunts ou de la divinité. Ils peuvent ainsi “vivre” ou faire des rites en leur honneur.
L’impiété est une forme de négation. L’importance des confessions négatives illustre l’importance de la bonne action. Simon Thuault rappelle aussi que nous ne connaissons pas d’exemples clairs d’athéisme.
Nous aurons l’occasion de revenir dans Pharaon Magazine sur ces aspects.