Où et quand fut rédigée la Bible ? De cette question, les spécialistes débattirent longtemps. Encore aujourd’hui, quelques doutes subsistent. Cependant, la parution du livre La Bible dévoilée, et du documentaire télévisé basé sur l’ouvrage, répond à la question en s’appuyant sur l’archéologie. Le royaume de Juda semble bien le lieu de rédaction à la charnière entre les VIIe et VIe siècles av. J.-C. Essayons de comprendre cela en prenant quelques points bibliques précis.
Par François Tonic (paru dans les grands secrets de l'archéologie)
Si nous savons qu’il est impossible de placer un exode massif durant le Nouvel Empire égyptien, surtout sous Ramsès II, qui contrôle toujours la Palestine, l’archéologie infirme une datation vers le XIIIe siècle av. J.-C. Aucun site (Cadès Barnéa, Arad, Jéricho, Edom) n’a pu fournir une trace de l’âge de bronze récent. De plus, nous savons que le dromadaire, utilisé dans la Genèse, apparaît au Proche Orient, domestiqué, seulement à l’âge de fer. De plus, on peut aussi rajouter l’alliance de YHWH et d’Israël, qui devient réalité durant le VIIe siècle. Les divisions de la Palestine, l’invasion assyrienne, puis le renouveau égyptien au Proche Orient, et enfin la conquête des Babyloniens au VIe siècle ont dû inciter le royaume de Juda, fragile entité coincée dans une histoire mouvementée, à asseoir son pouvoir, son existence. Les écrits de la Bible peuvent être perçus comme une « justification mythique ». Les descriptions de la Bible alternent une certaine antiquité plus ou moins maîtrisée et la description d’un environnement du VIIe siècle. Le texte devait permettre de cristalliser l’unification autour du royaume de Juda face aux ennemis.
Abraham et sa datation
Dans la Genèse, on nous parle de la migration d’Abraham de Mésopotamie vers Canaan. Le texte situe l’événement vers le XVIIIe siècle avant J.-C. Pendant longtemps, les chercheurs crurent qu’Abraham faisait partie des migrations amorites, mais l’archéologie a montré que ces migrations se sont surtout effectuées d’ouest en est. Abraham fait un trajet d’est en ouest. Difficile de lier Abraham à une origine mésopotamienne. Cependant, des textes cunéiformes retrouvés en Mésopotamie vers 1900-1800 av. J.-C. mentionnent le nom d’Abraham. Cette présence est le fait que ce prénom était assez commun à cette époque.
La question est comment prouver l’existence d’Abraham durant le IIe millénaire ? Or l’archéologie n’apporte aucune preuve probante. Mais alors, quand placer les patriarches ? C’est là que les auteurs de la Bible dévoilée proposent de relire attentivement la Genèse pour tenter de trouver des indications. Or le récit parle de Philistins aux côtés des Patriarches.
Les origines de ces Philistins demeurent une énigme qu’historiens et archéologues n’arrivent toujours pas à résoudre. Ils arrivent avec les Peuples de la Mer, d’origine peu certaine, qui détruisent les vieux États du Proche Orient et s’installent en Palestine avant de tenter d’envahir l’Égypte. Ils arrivent dans la région vers 1200 av. J.-C. ou légèrement plus tard, en contradiction avec la Bible qui les place plusieurs siècles avant. L’archéologie montre bien que les Philistins ne sont pas présents avant la fin du XIIIe siècle et au début du XIIe.
Mais alors, comment expliquer que la Bible mentionne les Patriarches et les Philistins dans le même « espace temps » ? Il faudrait alors considérer une datation bien plus récente. Un détail peut aider à déterminer une chronologie relative : le chameau. Cet animal est cité à plusieurs reprises et notamment en compagnie d’Abraham. Or là, un réel problème apparaît. Le chameau apparaît au Levant tardivement dans l’histoire ! Les premières traces de l’animal (domestiqué) remontent seulement au Ier millénaire av. J.-C. Avant, le chameau n’est jamais montré, cité, décrit dans les textes, poteries, reliefs, etc.
Il s’avère que le chameau était utilisé dans le commerce lointain de l’époque entre la Palestine, la Mésopotamie, l’Arabie. Son apogée aurait été atteint durant le VIIIe-VIIe siècle. Or à cette époque, l’Assyrie dominait le Proche Orient et notamment le royaume de Juda. Donc la Genèse décrit un contexte datant des VIIIe–VIIe siècles av. J.-C.
Jacob (dans le nord), Abraham (à Hébron), Isaac (dans le sud) : à l’origine, ces trois patriarches n’avaient, semble-t-il, pas de lien entre eux. Il s’agissait de trois traditions que des auteurs tardifs tentèrent de relier entre eux. Dès le XIXe siècle, les chercheurs ont mis en évidence deux sources de récits variés : ceux du nord lié au Royaume d’Israël, ceux du sud lié au royaume de Juda. Pourquoi alors la Genèse place Abraham en avant ? Il faudrait y voir la volonté de placer le royaume de Juda au centre du monde ; de nombreux lieux dans les récits d’Abraham sont des lieux de Juda. Si Abraham est un fondateur, par analogie, Juda est donc le fondateur d’une Nation. Et à l’époque difficile du VIIe siècle, le récit biblique est un acte fondateur très fort.
L’Exode
L’Exode constitue le second livre de la Bible. Il suit l’épisode de la Genèse. Moïse est la figure centrale du récit. Elle narre la fuite d’Égypte, le long séjour dans le Sinaï et l’arrivée en Palestine. Il est de facto un acte fondateur d’Israël et de son peuple.
Les fils d’Israël connaissent en Égypte une bonne démographie et un rôle politique non négligeable. En ce temps, les Hébreux bâtissent les villes de Ramsès et Pithom. Le roi d’Égypte décide d’exécuter tous les nouveau-nés mâles hébreux. Mais un enfant de la tribu de Lévi est caché par sa mère puis déposé dans un panier qui « navigue » sur le Nil. La fille de Pharaon récupère l’enfant et lui donne Moïse comme nom.
Longtemps ignorant de ses origines, Moïse les découvre lorsqu’il est adulte puis tue un Égyptien maltraitant un Hébreu. Il fuit vers le pays de Madian. C’est alors que YHWH lui apparaît sous la forme du buisson ardent. Sa mission est de délivrer son peuple et le mener dans des terres meilleures. Mais Pharaon refuse de laisser partir ce peuple. Ce sont alors les Dix Plaies d’Égypte. Le souverain cède à la 9e plaie, mais en laissant leurs troupeaux. Refus des Hébreux. Mais Pharaon finit par céder. Une troupe armée égyptienne les poursuit près de la mer Rouge. C’est alors que Moïse sépare les eaux qui finiront par engloutir l’armée. Puis c’est la longue pérégrination du peuple d’Israël dans le Sinaï. Moïse y reçoit les Dix Commandements.
Commentaires
Le royaume de Juda semble
C’est une théorie qui est mise en avant par certains détracteurs du récit biblique.
Le rédacteur des premiers livres de la Bible (Le Pentateuque) est Moïse - avis confirmé par de nombreuses sources antiques.
La rédaction de ces livres débuta après l’Exode selon le récit biblique.
Connaître la période où vécu Moïse, c’est connaître la période où débuta l’écriture de la Bible.
L’Exode est associé par beaucoup à l’époque de RAMSES II.
Considérons le récit biblique.
Quand la famille de Jacob se déplaça en Égypte (plusieurs siècles avant l'Exode), elle dut vivre au “ pays de Ramsès ”. (Gn 47:11.)
Le récit parle aussi à la même époque d’une région : « Goshèn ». Le « pays de Ramsès » était donc soit un autre nom de « Goshèn », soit un district de « Goshèn ».
Le récit poursuit en disant que bien plus tard les israélites alors esclaves durent bâtir “des villes-entrepôts pour Pharaon, à savoir Pithom et Raamsès [les points-voyelles sont ici légèrement différents de ceux de “ Ramsès ”] ”. (Ex 1:11.)
Certains spécialistes ont ainsi identifié Ramsès/Raamsès à la ville appelée Per-Ramsès (Maison de Ramsès) dans les annales égyptiennes, située selon certains à San el-Hagar, dans la partie N.-E. du Delta, et selon d’autres à Qântir, à environ 18 km plus au S.
Il est aussi généralement admis que Per-Ramsès était la capitale à l’époque de Ramsès II.
Ramsès II prétend aussi dans des inscriptions avoir bâti la ville portant son nom (Per-Ramsès) en faisant travailler des esclaves.
Il y a eu confusion chez certains spécialistes.
D’abord Per-Ramsès était une capitale alors que la Raamsès pré-citée n’était qu’une ‘ ville-entrepôt ’ !
Ces deux noms n’ont de commun que le nom d’après certains spécialistes (Vetus Testamentum, Leyde, 1963 p 410).
Ajoutons le fait que Ramsès II s’attribuait assez fréquemment les réalisations de ses prédécesseurs : il est dès lors possible qu’il ait, au mieux, seulement rebâti ou agrandi Per-Ramsès.
Le nom « Ramsès » était déjà utilisé à l’époque de Joseph : ce nom n’était donc pas cantonné à l’époque ramesside.
Les villes de Pithom et de Raamsès ont été bâties bien avant la naissance de Moïse, même si RAMSES II a eu une longue vie, dans ce cas elle aurait été extrémement longue !
Il y a donc en effet peu de raisons de croire que RAMSES II soit le pharaon de l’Exode.
Rédaction de la Bible après ou avant RAMSES II ?
La ville de « Ramsès » était probablement proche de la capitale au vue des aller - retour que Moïse dut faire entre cette ville et le palais de Pharaon.
D’après les Antiquités judaïques, II, 315 (XV, 1), la marche de l’Exode commença à Latopolis, un lieu proche de Memphis.
Nous savons que Memphis garda la position de capitale pendant des siècles, avant la période ramesside donc antérieure au XII-XIII siècle avant N.E.
Nous savons par ailleurs que la rédaction de la Bible continua par exemple sous les règnes de David, Salomon (Xe siècle avant N.E).
L'Exode et le début de la rédaction de la Bible se situent plutôt au XVIe siècle avant N.E et non au VII - VI siècle avant N.E.
Fabrice
merci pour votre
merci pour votre commentaire.
en vous souhaitant une excellente année
Mais alors, comment expliquer
C'est de l'île de Crète (Kaphtor) que les Philistins émigrèrent vers le littoral de Canaan - ils n'étaient pas forcément originaires de cette île.
Il est vrai que l'on ne sait pas quand commenca cette émigration et que les premières traces archéologiques faisant allusion aux Philistins (en tant que "nation") remontent au moins au XIIe siècle avant N.E.
Mais ne pas avoir de "traces" ne signifie pas que cette nation n'ait pas existé avant le XIIe siècle avant N.E.
Des traces de commerce égéen au début du IIe millénaire ont été signalées (Cf. New Bible Dictionary, J. Douglas 1985). Ce commerce a été effectué probablement par de petits groupes pas très importants par rapport aux autres "grandes" nations de cette époque.
Ces petits groupes n'étaient pas encore nommés "Philistins" par leurs voisins mais ils existaient.
Ils étaient problablement les premiers commercants égéens, pas assez importants pour être remarqués.
Le récit biblique lui les a identifiés et c'est pour cela qu'il parle de "philistins" au temps des patriarches.
Fabrice
De plus, nous savons que le
Cette opinion ne fait pas l'unanimité.
En effet la domestication du chameau a pris son essor qu'à la fin du IIe millénaire. Cela ne signifie pas que le chameau n'était pas utilisé auparavant (Cf. Civilisations du Proche-Orient antique (angl.)).
Il semble que la domestication du chameau dans le sud-est de l'Arabie ait commencé vers le IIIe millénaire.
Le fait que Abraham se soit présenté devant Pharaon (début IIe millénaire selon le récit biblique) avec des chameaux n'est pas un anachronisme - fait confirmé par les fragments d'os et autres découvertes archéologiques associés à cet animal.
Par exemple ont été trouvés des mentions de cet animal sur des listes cunéiformes et sur divers sceaux - listes et sceaux datant du début IIe millénaire - à l'époque d'Abraham.
Fabrice
Bonjour Mr François TonicVous
Bonjour Mr François Tonic
Vous savez la Bible n'a jamais eu vocation historique ou scientifique...
Il s'agit de textes, même s'ils s'inspirent de faits plus ou moins historiques, ils sont avant tout des allégories, des textes d'édifications de l'Être humain...
La traversée du désert par les Hébreux qui èrent durant 40 ans n'est que le récit d'un voyage initiatique, d'ailleurs le nombre 40 dans la Bible revient à chaque fois qu'il s'agit d'évoquer une transformation, voire une purification...40 est la valeur de la lettre hébraïque Mem qui est symbole de l'eau...l'eau purificatrice
Exemple :40 jours du déluge...40 jours de Moïse au Sinaï etc...
La lettre Mem ouvre le nom de Moïse...Moshé
Elle ouvre également le mot déluge en hébreu...Maboul
Le mot eau en hébreu....Mayim
Voilà!...il y aurait bien des choses à développer...Ceci étant dit votre article est très intéressant...
Et peut-être à une de nos prochaines rencontres en Egypte...voilà deux années que nous n'y sommes pas retournés compte tenu de la situation, au grands regrets de mon épouse!...
Je vous souhaite une année 2015 fructueuse...et bien sûr la Santé pour continuer de nous enrichir au travers de vos articles...
Alain A.
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