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KV 64, UNE NOUVELLE TOMBE DANS LA VALLEE DES ROIS

compte-rendu de la conférence du 3 novembre dernier par Jose Rath.

Le 3 novembre dernier, l’Association égyptologique du Gard organisait dans les locaux du Centre Universitaire Vauban à Nîmes une conférence présentée par Suzanne Bickel, professeur d’égyptologie et directrice du projet de l’Université de Bâle « KV 64, une nouvelle tombe à la vallée des rois ».

A l’origine, le programme de fouilles du groupe de Bâle ne concerne absolument pas la KV 64 qui pour l’instant n’est pas connue, mais l’étude d’un ensemble de tombes du vallon de la KV 34 de Thoutmosis III.

La conférence de Suzanne Bickel repose sur ces deux volets : une première partie présente le projet initial concernant les tombes n° 26, 29, 30, 31, 33, 37, 40, 46, 59… La seconde est réservée à la tombe n° 64 qui est celui de la dernière découverte.

Parmi celles qui étaient déjà répertoriées, portaient un numéro, étaient positionnées sur un plan, on n’avait la plupart du temps que très peu d’informations, et parfois même pas du tout. C’était le cas pour les KV 29, 31, 33, 40, 59. D’autres étaient répertoriées et cartographiées comme les KV 26 et 30. Certaines étaient bien connues comme la KV 47 de Siptah et la 32 de la reine Tiaa et bien entendu celle de Thoutmosis III portant le numéro 34.

Les premières ne sont pas des tombes royales, elles ne sont pas décorées, elles ne sont pas visitables, elles ne sont pas « belles ».

Cela pose toutefois une première question. Que font ces tombes « non royales » dans la vallée des rois. Qui avait bien pu avoir le privilège d’être enseveli là, dans ce domaine réservé aux pharaons décédés, désormais divinisés ? Il faut se souvenir que jusqu’à cette époque, les pharaons étaient ensevelis dans des nécropoles, entourés de leurs proches, des hauts fonctionnaires, de leurs épouses, des princes et princesses de la Cour, ce qui explique sans doute la présence de ces tombes anonymes non royales et de celle de Tiaa  dans la vallée des rois.

La réouverture de la plupart d’entre elles n’apporte rien de plus, elles sont vides, sauf quantité de débris, sans cercueil, sans stèle, sans texte ni ornementation.

On accède à la KV 31 par un puits. Elle comporte une pièce centrale et deux latérales. Deux sceaux sont appliqués sur la porte : celui de la nécropole et celui de Geb, Dieu de la terre. La pièce principale est encombrée d’une très importante couche de débris, on en trouve beaucoup moins dans les deux autres qui abritent des corps sans cercueil, débandelettés, nus, en partie déchiquetés au nombre de cinq. Ils sont accompagnés de tissus, de rouleaux de gaze, de tessons de céramique, de fragments de vases canope dont un qui présente, à l’endroit de l’emplacement prévu pour le nom, un « blanc ». Rien ne permet donc de les identifier pour l’instant.

Par contre, des objets intrusifs sont découverts, des ostraca de l’époque Ramesside. Recueillie dans le puits, une pièce de tissu portant le cartouche de Ramsès III a été confiée à l’atelier de restauration. Pour l’instant, on ne sait pas ce que c’est.

La KV 33 est mentionnée par Victor Loret. On y accède par des marches d’escalier. Elle comporte une grande pièce centrale et deux plus petites. Ce qui la rend un peu plus mystérieuse, c’est sa proximité immédiate avec celle de Thoutmosis III. Elle est le projet de fouille du groupe de Bâle pour janvier 2013.

En surface, la KV 40 ne laisse deviner qu’une légère dépression qui fait place lorsqu’on creuse, à un puits de 6 m. Un corridor lui succède, puis une grande pièce centrale et trois latérales. Le puits et le corridor sont remplis de débris jusqu’en haut. On n’y trouve rien sauf qu’un feu très puissant semble avoir tout ravagé. Dans la grande salle tout est saccagé, les céramiques sont « explosées », les tissus déchirés,  ne demeurent que des esquilles de bois, des débris d’os et des cranes, plus de quarante cranes. Sans doute une cinquantaine de personnes ont été ensevelies là. On trouve également des étiquettes portant vraisemblablement des noms, qui ont été confiées à la restauration et qui semblent dater du milieu de la XVIIIème dynastie, peut-être de Thoutmosis IV ou d’Amenhotep III. Un cartonnage de la troisième période intermédiaire, de la XXIIème dynastie certainement, semble dénoncer une deuxième période d’utilisation. La tombe semble avoir été pillée à plusieurs reprises.  La dernière fois, elle a été incendiée.

La KV 40 avait été le sujet de fouille des années 2010 et 2011 du groupe de Suzanne Bickel. L’entrée avait été protégée par une structure recouverte d’une plaque de métal et fermée par un cadenas.

On avait remarqué tout contre, une dépression pouvant n’être pas une formation géologique naturelle. Le groupe avait protégé ce petit bout de désert et demandé en janvier 2011 l’autorisation de le fouiller. Mais, janvier 2011 n’était vraiment pas la bonne période pour obtenir la permission compte tenu des évènements qui bouleversaient Le Caire et l’Egypte.

2012 apporte l’autorisation de fouiller l’emplacement 40 B. On met à jour tout de suite l’amorce d’un puits. Bonne nouvelle, il est bien sec. On se heurte très vite à un « blocage » dont le matériau semble originel, et au-delà, à un linteau. On pénètre par le trou d’une pierre disjointe avec la vidéo du Raïs dans une tombe inviolée. L’image tremblante est émouvante. La pièce, unique et de faible dimension, semble vide, sauf un cercueil sur des débris, et une stèle. Tout de suite les contrôleurs égyptiens insistent pour que le cercueil soit sorti et déposé en lieu sûr dans les meilleurs délais. Dès lors, la KV 40 B est devenue la KV 64. Le cercueil est ouvert sur place afin de voir ce qu’il contient et de ne pas prendre le risque de déplacer ou briser ce qu’il pourrait contenir car il va falloir le redresser pour le remonter. On enlève précautionneusement les huit tenons fixant le couvercle à la cuve et l’on découvre une momie emmaillotée et badigeonnée d’une résine qui la colle au bois de sycomore du cercueil. La momie mesure 1m 55 dans un cercueil poussiéreux qui en fait deux. Il est transféré à Louxor où il devient sous les doigts du restaurateur un très beau cercueil peint de couleur jaune sur fond noir. On y apprend que la momie est celle d’une dame qui était « chanteuse d’Amon », qu’elle répondait au nom de Nehemes-Bastet et qu’elle était fille d’un prêtre, Nakhtefnout « ouvreur des portes du ciel à Karnac ». Il s’agit donc d’une deuxième utilisation de la tombe où le cercueil était posé sur des débris, les pieds contre la paroi et orienté Est-Ouest.

La stèle en bois semble avoir été réalisée en deux temps. Un fond avec des étendards et le ciel peint par un artiste moyennement doué. Le reste est en attente, peut-être en attente d’être achetée pour Nehemes-Bastet, et le soin de peindre la défunte est confié à un artiste beaucoup plus subtil que l’auteur de l’arrière plan. Les deux reposent sur un épais matelas de débris de plus d’un mètre et qui ne recèle que quelques ostraca de la période Ramesside. On ne dégage que d’infimes traces de la première inhumation : des fragments de vase canope dont l’un présente une perruque striée et une barbe très large datant sans doute d’avant Thoutankhamon, peut-être de la période d’Amenhotep III ; également un fragment de verre sans doute du XIVème siècle av. JC, produit rare pour l’époque, et des fragments de bois portant quelques éléments du cartouche d’Amenhotep III (on en a trouvé également près de la tombe KV39 ou encore dans celle de Siptah). On relève un petit document, une demi-plaquette portant le nom, de Satya, fille de la lune ; était-ce le nom de la personne enterrée, une fille royale ? Une fille d’Amenhotep III ou de Thoutmosis IV ? Ou bien la plaquette a-t-elle été apportée avec les déblais ? Où est passé le cercueil ? On n’en retrouve qu’un « œil », et une momie débandelettée, laissée nue, désarticulée contre la paroi, comme pour celles de la KV 31 ;  pas de mobilier, pas de bijou. Son étude approfondie sera pour la compagne 2013.

De ces découvertes, se révèle peu à peu un nouveau concept de l’utilisation de la vallée des rois. Depuis l’époque des Thoutmosis, soit de – 1470 à – 1350, elle est choisie pour y installer la nécropole royale et de l’entourage royal. Sous les XIXème et XXème dynasties, la nécropole est exclusivement à usage royal. C’est la période du plein exercice de Der el Medineh. Puis c’est la fin de l’Empire. A partir de la XXIème dynastie, le pouvoir est à Tanis. Il n’y a plus de relation avec la Nubie et beaucoup moins avec le Moyen Orient. Est-ce pour compenser l’appauvrissement de l’Egypte que la vallée des rois est soumise pendant plus de 120 ans, de -1075 à – 970, 930, à une réutilisation en tant que « trésor ». Sans parler de véritables pillages, on assiste  à une réutilisation des tombes, un remploi des cercueils et des canopes. On ré-ensevelit la plupart des corps dans des « cachettes ».

Si l’on peut se demander si les désordres de la KV 31 sont imputables à des pilleurs du XIXème siècle, pour la KV 64 ce n’est pas le cas. On est certain que les désordres sont antérieurs à la XXIIème dynastie. Ce qui permet de l’affirmer c’est qu’après avoir démonté le premier blocage, on a retrouvé la trace d’un second, plus ancien, ainsi que dans le corridor un « pot de fleurs », pot de mortier de la XVIIIème dynastie, et perdue dans le sable de l’entrée, une perle bleue de la même époque.

A  partir de la XXIIème dynastie, la vallée des rois devient nécropole privée pour l’élite des prêtres. Pourquoi là plutôt qu’ailleurs ? A Der el Bahari, ou au Ramesseum par exemple ? Peut-être pour une question de motivation de mémoire ? Pour être enterré dans la même nécropole que Ramsès II ou Thoutmosis III. Cette tombe a été ouverte, pillée puis laissée vide pendant une centaine d’années. Le fait est souligné par la quantité d’essaims de guêpes maçonnes retrouvée à l’intérieur. Puis est intervenue cette deuxième utilisation.

Peut-être eut-il été mieux indiqué de nettoyer un peu avant de réinstaller le corps de Nehemet-Bastet dans son cercueil dans une tombe propre, rénovée. Les anciens égyptiens de la famille d’un prêtre de haut rang ont préféré créer un deuxième niveau peut-être pour maintenir un lien, mémoriel, avec le passé.

 

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