Lorsqu'on se rend à Deir el Bahari, sur la longue ligne droite qui mène au temple d'Hatchepsout, on longe à main gauche la nécropole de l'Assassif. Un peu en retrait de la route, on ne distingue pas nettement une dépression, au bout de laquelle un mur est percé d'une porte ; c'est l'entrée de la tombe de Padiaménopé. Au premier abord, elle n'est pas engageante. Les voisines, au moins, ont encore leurs pylônes. Pour celle-ci, les deux pylônes ont disparu et la dépression nous dit, Isabelle Régen, corresponde aux deux cours extérieures du dispositif originel.
Ce jeune ingénieur de recherche de l'Université de Montpellier, qui travaille actuellement avec Dimitri Meeks à un pharaonique dictionnaire des noms propres, nous apprend que les premières salles de la tombe ont accueilli depuis les années trente les dépôts archéologiques – plus de mille six cents lots – des antiquités découvertes dans la région jusqu'en 2003-2004, où l'équipe de recherche ayant obtenu l'autorisation de fouiller la tombe a du commencer par les déménager tous.
Suivez le guide et entrez dans la tombe. Dès l'entrée, on comprend qu'elle est très grande. Les salles succèdent aux couloirs et aux escaliers. Première impression : une odeur pestilentielle vous incite à rester dehors. Bien que reconnaissant les picotements désagréables dus à l'azote du guano des chauves-souris, il faut avoir le cœur bien accroché pour aller plus loin. D'autant que l'on s'aperçoit presque aussi vite que les fonds et les couleurs sont rosés dès l'entrée, sans doute à cause d'un incendie, puis couverts de noir à cause des déjections des petites bêtes.
Au fur et à mesure de la progression, il apparaît que la tombe est proprement gigantesque puisque l'on recense au bout du compte 22 salles dont 3 puits sur 4 niveaux jusqu'à 20 mètres de profondeur sur une aire à peine plus petite qu'un terrain de football de 85 m x 105 m soit 9000 m2 au sol.Ce que l'on découvre ensuite, ce sont les 2622 m2 de parois décorées. Tous les murs ou presque sont couverts de textes, et dès les premiers déchiffrements, on reconnaît des textes funéraires. Normal dans une tombe, me direz-vous ? Mais, tous les murs ? Presque, sauf dans les salles 14, 15 et 16 où l'on est clairement dans le monde osirien, dans le Domaine du Natron pour la première, dans le monde d'Osiris Hemag pour la suivante et dans le Domaine de l'Or pour la dernière, soit dans le temps de la dessiccation du corps, son bandelettage et sa mise au tombeau.
Isabelle Régen qui n'oublie pas son passage à l'IFAO où elle s'est occupée de la transmission des textes funéraires, ni ses études des textes du « livre des portes » et de celui de l'Amdouat les reconnaît sur les murs du labyrinthe. La salle n° 13 est un immense cénotaphe de 15 m de côté. En poursuivant la descente , on rejoint une salle portant le N° 21. Le sol est jonché de déblais et de ruines. On distingue de fausses niches, une fausse porte mais pas de sarcophage. Et puis, tout au fond, dans le plafond, une ouverture permet de rejoindre le caveau. En passant la tête pour la première fois, Isabelle Régen et Claude Traunecker, qui partage avec elle la responsabilité du déchiffrement des textes, découvrent les divinités d'un plafond astronomique ;mais toujours pas de cercueil et pas de coffre à canopes.
En dépit du fait que l'on n'a pas retrouvé de cercueil, ni de coffre à Canopes, la tombe, avec ce cénotaphe qui représente le sarcophage Osirien, semble l'exemple type de la tombe parfaite, « un palais funéraire » prétendait Dümichen.
Finalement, on ne sait que très peu de choses sur Padiaménopé et l'on n'en apprendra pas plus. On sait que « celui qu'Amon d'Ipet Sout a donné » était un prêtre, un grand prêtre, un ritualiste en chef, spécialiste des textes funéraires. Et c'est sa tombe qui nous le prouve. On sait qu'il est de Thèbes, ou d'Ermant, qu'il est le fils de Menekh Aset, musicienne d'Amon, Noble Dame du Roi. On sait qu'il est l'époux de Tadit et c'est à peu près tout. Qui était son père ? A t-il eu une descendance ? Mystère.
Dans la première salle qui est un hall d'entrée, apparaissent les premiers textes du « livre des morts », notamment les vignettes 31 et 100. Les couleurs sont encore bien conservées. On y trouve aussi des « hymnes solaires ». Les couleurs de la salle 2 s'estompent et peu à peu les murs et les plafonds sont de plus en plus noirs, recouverts de guano, ce qui rend le déchiffrage des textes encore un peu plus compliqué. Au fil des salles, on découvre un véritable catalogue des textes funéraires (« livre des morts », « hymne solaire », « livre des portes », « livre des pyramides » dans les salles 3 et 4). Précisons que Bernard Mathieu devrait entreprendre leur étude dès l'an prochain.
La salle 5 présente le rituel de l'ouverture de la bouche et autres orifices. En 75 scènes dont l'exécution du taureau pour offrir le cuissot en offrande à la divinité. Des travaux de restauration des scènes des plafonds sont nécessaires et Claude Traunecker a proposé d'appliquer de l'eau sur l'ammoniaque pour provoquer un procédé de saponification qui semble efficace sur les zones fortement encrassées.
La salle 7 correspond au deuxième escalier avec une glissière centrale.
La salle 9 voûtée est celle du jugement avec une scène de psychostasie et sa confession négative, une balance pour la pesée du cœur, tarée par la plume de Maàt, et la présence de la redoutable dévoreuse qui représentait en cas d'échec de la pesée, une seconde véritable mort, celle là définitive.
On repart de la salle 5 jusqu'à la salle 12 avec des textes du « livre de l'Amdouat » qui nous décrit ce que font les créatures du monde souterrain et présente les douze heures de la nuit sur les douze portes des douze salles et, comme en réaction, le « livre des portes » dépeint ce que le Soleil fait aux créatures des mondes inférieurs. Dans cette zone, les textes du « livres des portes » comportent les versions connues, clarifiées et augmentées. Le « livre des portes » décrit le suivi de la progression du soleil et de ses transformations. Il est entrecoupé de textes du « livre de la nuit » et des « litanies du Soleil ».
Dans la salle 12, les dessins de Johanes DüMichen, dont Maspero traçait en son temps un portrait dithyrambique, permettent de recomposer les parties dégradées disparues depuis lors. Les textes et les décors montrent l'avancée du soleil heure par heure avec pour la sixième, la vie dans les champs et le lion appelé « taureau à la voix tonitruante ». La septième montre le soleil dans sa barque, naviguant sur une réplique du Nil souterrain, où le mal, « Apophis », rôde entre les bancs de sable pour le retenir. Mais Isis veille et de son immense couteau règle le compte d'Apophis.
La salle 13 est un cénotaphe de 15 m de côté. Les parois alternent des niches et des portes. Il n'est pas impossible que chaque porte soit en relation avec une partie du corps d'Osiris. On constate en en faisant le tour, des divinités féminines protectrices, dans chacun des angles. Suivant les heures et les portes, d'Ouest en Est, on rencontre les quatre premières sur la façade Ouest du Cénotaphe, et ainsi de suite, de manière à ce qu'à la douzième l'on débouche sur une impasse. Padiaménopé y est face au soleil levant, l'adorant, tourné vers le Nord vers un plafond semé des étoiles impérissables auquel aspire le défunt pour une vie éternelle.
Depuis la salle 19 au deuxième niveau, on accède par le deuxième puits au troisième étage inférieur. Le sol est recouvert de gravats. De fausses niches et une fausse porte mais pas de cercueil. Et puis, au fond, levant la tête vers le plafond, on découvre un accès pour finalement déboucher sur le caveau. On y parvient par en dessous et, la première chose qu'ont vu Isabelle Regen et Claude Traunecker, c'est d'imposantes divinités nageant parmi les constellations d'un plafond astronomique. Il est immense ce caveau : 9 m x 6 m et 5 m sous la voûte. Il est situé exactement à l'aplomb du centre géométrique du cénotaphe.Des textes de l'Amdouat, pour lesquels on note une inversion des heures 5 et 6 d'une part et 7 et 8 d'autre part,du « livre des morts », des niches décorées, des statuettes de « génies gardiens », comme dans la tombe voisine de Monthouhemat. Claude Traunecker a dégagé une fosse, était-ce un coffre à canope, ou fut-elle creusée pour dissimuler le corps du prêtre ? Des fragments de bois de cercueil qui ne sont peut-être que la trace de ré-inhumation secondaire tardive.
Si vous passez par l'Assassif à partir de novembre, passez nous voir nous invite Isabelle Régen, elle même spécialiste des textes funéraires, sinon pour visiter la tombe, du moins pour parler de Padiaménopé, de cet extraordinaire tombeau, réplique d'un modèle antérieur resté inconnu ou création de toutes pièces, de cet étrange prêtre, véritable savant maîtrisant parfaitement les textes funéraires dans leur entièreté, qu'il présente comme une anthologie de belles lettres organisée comme une transmission volontaire avec des études de variantes. Il permet un lien entre les textes anciens connus des XVIIIème et XIXième dynasties et ceux plus tardifs des XXVème et XXVIème. A la Basse époque, beaucoup de textes ont été recopiés, comme à la chaîne, truffés de fautes, parfois même sans les comprendre. Padiaménopé nous permet de mieux comprendre le travail minutieux de ceux qui étudient les textes. On découvre en l'étudiant une extraordinaire hardiesse de sa part, puisqu'il insère parfois au sein du texte sacré, quelques bribes, quelques apartés de son cru, ( Métatexte) des gloses personnelles. Ainsi Padiaménopé devient lui-même un peu Soleil.
Texte corrigé du 4 avril 2013
par José Rath, association égyptologique du Gard. conférence donnée par Isabelle Regen le 29 mars 2013 à Nimes.
Commentaires
Existe t'il un ouvrage
bonjour,malheureusement pas
bonjour,
malheureusement pas encore.
francois
Dans le "PHARAON" N° 25
Dans le "PHARAON" N° 25 j'avais lu un tres bel article concernant cette tombe accompagné de belles photos . j'ai eu l'occasion de voir un reportage à la télé, Arte, montrant un progression dans cette tombe de C Traunecker. A voir
j'ai assisté à cette
au fait le découvreur de cet
au fait le découvreur de cet tombe s'appelle:
Jahannes Dümichen qui est allemand.
Voilà.
Nfr
Merci pour ce compte-rendu
Merci pour ce compte-rendu srur cette fameuse tombe bibliotèquer si importantes pour les textes funéraires égyptiens!
nfr.
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