Voilà une question passionnante que l'on se pose jamais ou presque. Les anciens égyptiens avaient-ils des Historiens au sens où l'on entend ou tout le moins, à l'image des Grecs et des Romains ?
Dans les Historiens romains, édition la Pléiade, l'éditeur dit qu'à un moment, les Romains se sont mis à l'interroger sur leur propre histoire et comment ils sont arrivés à cette puissance, à cette grandeur. cela faisait suite à la victoire finale sur Carthage.
En Grèce, nous avons la même envie de savoir. A partir du 5e siècle avant notre ère, plusieurs auteurs se transforment en premiers historiens : Thucydide, Polybe, Hérodote.
Le mot Histoire vient du grec : Historia signifiant vérité, enquête, connaissance acquise par l'enquête. Un autre mot existe : Historiai, "recherche, exploration".
Et en Egypte pharaonique ?
Nous ne connaissons pas de mots pouvant se rapprocher du mot grec Historia. Et les corpus de textes (de tout genre) connus n'indiquent en rien un "genre historique", des récits historiques (à quelques exceptions). Il existe dès l'Ancien Empire, des textes spécifiques compilant les règnes, les années et les principaux événements : les Annales et les Listes royales. Compilation de documents officiels et d'archives. Est-ce pour autant des documents historiques pour un Egyptien ? Pas réellement. Les listes royales comme la pierre de Palerme, le papyrus de Turin, les listes royales d'Abydos, sont destinés à la royauté avant tout, un pharaon s'y rattache et rend hommage à des ancêtres.
Cependant, il y a une volonté de garder une trace des ancêtres, des différents rois comme le papyrus de turin ou encore la pierre de Palerme. Cela trouve qu'il existait des archives couvrant plusieurs siècles. L'ouvrage historique de Manéthon au 3e siècle avant notre ère prouve cette existence. Cet égyptien va écrire en Grec une Histoire du pays.
Manéthon est le seul exemple d'Historien au sens grec du terme que l'on connaisse.
Un genre littéraire particulier peut se rapprocher, un peu, de l'Histoire : les autobiographies / biographies. Mais ces textes racontent la vie, les événements par rapport à un personnage le plus souvent comme les textes de voyages des tombes d'Assouan ou le texte d'Ankhtifi à la Moalla (sud de Louxor). Ce dernier met en scène sa vie, son oeuvre pour sauver les habitants de sa province contre un pouvoir royal absent.
Après quelques siècles, le souvenir des premiers rois (dynastie 0 surtout) était déjà une période mythique. Les villes de Hiérakonpolis et Bouto, deux fondations essentielles de la royauté égyptienne, avaient leurs ancêtres des rois avec les âmes de Bouto et de Nekhen. Et les tombes royales tombaient en ruine rapidement lorsque le culte royal n'était plus actif.
Khaemouaset, fils de Ramsès, grand prêtre de Ptah, va entreprendre de restaurer des tombes royales et surtout de restaurer les noms des rois pour leur souvenir. Nous ne sommes pas là dans l'Histoire, car ce prince royal ne semble pas avoir écrit des "livres" sur le sujet mais c'est plutôt une approche "égyptologique" / "archéologique". Il va chercher à retrouver les noms et à restaurer le monument.
Cependant, ce prince semble et bel et bien intérêt par le passé, l'Histoire du pays même s'il ne va pas écrire une Histoire du pays.
Les Annales et les récits
Outre les biographies, les Annales compilent les principaux événements d'un règne, année après année. Les plus célèbres sont celles de Toutmosis III gravées à Karnak. Est-ce pour autant un récit historique ? Oui et non. Pour nous, oui, il s'agit d'un récit historique important mais il s'agit d'un récit officiel. Le souci n'est pas de tout décrire. Ces Annales sont des sélections d'événements plus ou moins précis et développés.
Nous sommes là dans de la propagande royale. Même remarque pour les récits de la bataille de Kadesh. Le plus célèbre récit de la bataille est le poème de Pentaour. Pentaour était scribe auprès de Ramsès II. Il existe d'autres sources sur cette bataille : le bulletin de Kadesh, récit court de la bataille.
Pourquoi l'Histoire est-elle absente ?
Il est intéressant de s'interroger. Pourquoi n'a-t-il pas existé d'Historiens en Egypte Ancienne alors que nous avons des textes pouvant se rapprocher du genre historique ? Les Romains s'interrogèrent sur le pourquoi du comment de leur puissance et ils sont les héritiers du modèle de pensée grec (pour faire simple). Ils ont une forme d'abstraction et de détâchement par rapport à la société. En Egypte, nous n'avons pas cette approche théorique, se genre de détâchement. Le mode de pensée est aussi très différent. Pour un Egyptien, il n'y avait sans doute pas d'intérêt particulier à écrire l'Histoire du pays, ni à la connaître, sauf peut être une curiosité ou en arrière-fond pour des récits d'aventure ou pour dépeindre les mauvaises actions d'un roi.
Ecrire l'Histoire demande en effet une forme d'abstraction certaine dans la pensée et la manière d'aborder les archives, le récit. En Egypte, nous ne trouvons pas de philosophes au sens grec du terme par exemple. La science doit être pratique et non pas théorique.
Pourtant, il ne manquait pas grand chose, la preuve, Manéthon, prêtre égyptien, va pouvoir écrire cette Histoire (même imparfaite) mais ce prêtre sera imprégné de culture grec.
Manéthon est le premier égyptologue au monde car il va enquêter dans les archives, structurer son récit, écrire l'Histoire, définir une chronologie, etc. Cela a du représenter un travail considérable en allant fouiller, chercher dans les archives royales et des temples, archives évoquant des faits vieux de 2000 ou 2500 ans !
Commentaires
Publier un nouveau commentaire